Chamonix, une nouvelle vision des flux en station

Aujourd’hui, peu nombreux sont les opérateurs de domaines skiables à ne pas connaître une stagnation voire une baisse de leur fréquentation touristique hivernale.

Face à ce constat, dont il est nécessaire d’identifier et de comprendre les causes, il existe maintenant des solutions pour appréhender le phénomène et mettre en place des actions pour tenter de les limiter.
Flux Vision, une solution développée par Orange Business Service, utilise des données de type Big Data mesurant des flux de population grâce au réseau des mobiles Orange. Elle permet de disposer de données rapides et fiables pour développer et adapter des stratégies marketing et commerciales fonction des comportements touristiques observés parmi les clients d’une station.
Chamonix, par l’intermédiaire de la Compagnie du Mont Blanc, a mis en place depuis deux ans un dispositif de mesure Flux Vision : explications et retour d’expérience de Jean-Pierre Sonois, administrateur de la Compagnie du Mont Blanc, chargé de l’adaptation du modèle à la société.  

Le besoin de « volume »

La plupart des opérateurs de domaines skiables français sont confrontés, depuis plusieurs années, à une évolution faible voire nulle du « volume » dans la croissance de leur chiffre d’affaire d’hiver.
Par « volume », il faut entendre : le nombre de titres vendus, forfaits et billets et le nombre de journées des forfaits. Mis à part les aléas d’enneigement, malheureusement de plus en plus fréquents, la demande en volume adressée aux opérateurs de remontées mécaniques est liée à « l’économie » du marché des sports d’hiver en France et en Europe ainsi qu’à l’évolution de l’offre d’hébergement professionnel dans la station où leur société exploite.
Depuis 5 ans, la demande de journées-ski adressée aux sociétés de domaines skiables a stagné ; selon DSF, la chambre professionnelle des opérateurs de domaines skiables français, la saison 2010/2011 avait enregistré quelques 54,32 millions de journées-skieurs, alors que la saison 2015/2016 n’en a totalisé que 52 millions et que la performance de la saison 2016/2017 sera probablement encore inférieure.
Cette évolution négative provient de deux facteurs dont les effets se contrarient :

  • une diminution d’environ 1% par an de la demande des Français : 75% des clients des stations en moyenne ;
  • une augmentation d’environ 3% par an de la demande des étrangers : 25% des clients.

Pour les quinze premières sociétés de domaines skiables opérant dans les 15 plus grandes stations françaises, les étrangers représentent 40 à 50% de la clientèle d’hiver.
Grâce aux étrangers, la croissance en volume de ces sociétés est restée positive d’environ 0,5% par an depuis 5 ans.
Les 85 sociétés suivantes du TOP 100 Montagne Leaders, qui représentent environ la moitié des journées-ski en France, ont vu leur volume de journées diminuer de 0,5% par an faute, le plus souvent, d’un nombre suffisant d’étrangers pour « compenser »
le déclin de leur clientèle française. En conséquence, la mesure et le suivi des clientèles française et étrangère dans une station sont devenus une nécessité vitale pour des opérateurs de domaines skiables qui ne maîtrisent pas leur évolution.
Pour cela, ils doivent s’appuyer sur un dispositif de mesure permanent, fiable et peu coûteux permettant de connaître la fréquentation en nuitées et en séjours de leur station ainsi que l’origine de leurs quatre clientèles principales qui sont : les touristes et les excursionnistes, les Français et les étrangers.

L’hébergement professionnel des stations en cause ?

La deuxième cause de diminution du « volume » adressé aux sociétés de domaines skiables est « l’attrition » faible mais continue de l’offre d’hébergement professionnel observée dans certaines stations.
A titre d’exemple, les parcs de lits professionnels de Chamonix et l’Alpe d’Huez ont diminué au rythme de 0,3% par an, celui des 2 Alpes de 1,6% par an, depuis 5 ans.
Cette diminution qui a un effet direct sur la demande adressée au domaine skiable, provient de l’hôtellerie familiale qui disparaît peu à peu de l’offre d’hébergement sans être remplacée. Seul le segment des hôtels 4* et 5*, réservé à une poignée de stations haut de gamme occupe un créneau en développement mais limité à une quinzaine d’unité par an dans toutes les Alpes.

Les résidences de tourisme qui constituent, à l’heure actuelle, l’essentiel du parc d’hébergement professionnel des stations, « retournent » à la résidence secondaire au rythme de 3 à 4% des lits par an à la fin d’un premier bail (9 ans) ou de son premier renouvellement (18 ans).
Le simple maintien du nombre de lits de résidences de tourisme n’est plus assuré : victime de la crise immobilière, de la faillite d’opérateurs peu scrupuleux et de l’extinction des avantages fiscaux dont elles bénéficiaient, la construction-vente de nouvelles résidences de tourisme est en « chute libre » alors qu’il existe toujours une forte demande de la clientèle, notamment étrangère, pour un type d’hébergement que la France est le seul pays à proposer en Europe.
Les agences immobilières locales, peu performantes commercialement et coûteuses en commissions, voient leurs mandats de location « s’évaporer » au profit de la location CtoC utilisant les plateformes de réservation : Airbnb, Abritel, le Bon Coin.
Seuls les villages de vacances – Club Med, MMV, Belambra, Villages du Soleil, UCPA – opérant en formule « Tout Compris » semblent avoir trouvé un modèle d’exploitation rentable en montagne et donc développable par reprise d’actifs existants ou par de la construction neuve.
Tous les phénomènes qui conduisent à une diminution du parc d’hébergement professionnel font « mécaniquement » progresser un parc des résidences secondaires aux  2/3 moins bien rempli, ce qui pénalise d’autant le nombre de clients s’adressant aux sociétés de domaines skiables.
Ces dernières ne sont pas, pour autant, restées inactives face à un environnement peu porteur pour elles depuis quelques années : ayant appris, à leurs dépens, que investir dans des engins neufs de remontées ne faisait pas venir « un client de plus » à leurs guichets, elles ont réussi à maintenir une (petite) croissance à leur chiffre d’affaire en augmentant leurs prix et en développant une commercialisation de type BtoB faisant appel à des intermédiaires professionnels capables d’amener de nouveaux clients, surtout en provenance de l’étranger grâce à une offre de packages « hébergement + forfait Semaine ».
Pratiquement toutes les grandes sociétés de domaines skiables réalisent, désormais 30 à 40% de leurs ventes de forfaits Semaine avec des « grands comptes » qui leur achètent, ferme, des forfaits au « prix de gros » ou grâce à des intermédiaires qui négocient, chaque saison, avec elles une option d’achat, à prix déterminé, pour un certain nombre de forfaits et un bonus sur leurs commissions en cas de ventes supérieures aux prévisions.
Les intermédiaires attirent une clientèle intéressante pour les sociétés de domaines skiables : largement étrangère, elle séjourne en général 6 à 7 nuits et skie, le plus souvent, avec des forfaits à « haute contribution » de type « grand domaine relié », quand il existe. Le succès de la vente par le canal des professionnels a une contrepartie négative : les commissions ou remises qu’ils exigent engendrent des coûts commerciaux de plus en plus élevés.
Pour freiner une escalade positive pour leur volume mais coûteuse pour leur prix moyen, les opérateurs cherchent à réaliser le plus possible de ventes avec la clientèle que leur apporte la station : le grand public.
Encore faut-il bien connaître cette clientèle et, pour cela, disposer d’instruments permettant de mesurer sa fréquentation en nuitées et en séjours, l’origine des touristes et le nombre de visites d’excursionnistes : une clientèle jusqu’ici mal identifiée par la plupart des opérateurs.

L’article complet est disponible dans Montagne Leaders N°262 (Juillet/Août 2017)