Handicap : rendre la montagne et le ski accessibles

Depuis la loi de 2005, les stations de ski ont l’obligation de s’adapter afin de favoriser l’accès à la montagne et à ses pratiques de loisirs à tous. Alors en 2020, quelle est la prise en compte du handicap ? Si de nombreux freins persistent, des avancées importantes et des actions pour développer une offre touristique adaptée sont menées dans tous les massifs français.

Avant de poser ses valises en station puis d’embarquer pour une expérience de loisirs sportifs, il semble judicieux de préciser ce qu’est le handicap. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées fait figure de référence (voir ci-contre). Si en France, il est difficile de donner un chiffre précis du nombre de personnes handicapées, une étude menée par le ministère du Travail en 2015 montre que 2,7 millions de personnes de 15 à 64 ans déclarent disposer d’une reconnaissance administrative de leur handicap, et 5,7 millions indiquent souffrir d’une maladie ou d’un problème de santé chronique les limitant depuis au moins six mois. Soit respectivement 6,6 % et 15 % de la population. Malheureusement, on n’en sait pas beaucoup plus car la dernière enquête de l’Insee sur le handicap remonte à dix ans. La loi de 2005 implique également pour les établissements recevant du public (ERP) comme peuvent l’être en station, les magasins, les hôtels, les offices du tourisme, les restaurants et bien évidemment les remontées mécaniques, d’être accessibles aux personnes handicapées. En territoire de montagne, les contraintes sont souvent plus grandes avec un dénivelé important entre le haut et le bas de la station, tant et si bien qu’il s’avère très compliqué de proposer un cheminement idéal pour tous, notamment concernant l’accès au front de neige. Rampes, ascenseurs, tapis, déneigement efficace des trottoirs, places de parking réservées, la plupart des stations vont dans le sens d’une accessibilité accrue et le respect des normes ERP.

Tourisme et handicap
Ces aménagements indispensables d’un point de vue législatif, le sont également au regard de l’aspect touristique. Car pour une personne handicapée, l’organisation d’un séjour peut vite se transformer en cauchemar. La marque d’État Tourisme et Handicap, portée par le ministère de l’Économie et des Finances, offre des garanties et un engagement à partir en toute sécurité afin de profiter ainsi d’une vraie expérience de séjour. Dans une démarche inclusive de tourisme et de ski pour tous, les stations ont tout intérêt à communiquer et valoriser leur offre à destination du public en situation de handicap, à l’image de Serre-Chevalier, pionnière en la matière. Label touristique, cinq offices du tourisme habilités et qualifiés, site internet spécialisé recensant toutes les informations nécessaires à un séjour réussi, lien avec les associations, rien n’est laissé au hasard. Car un séjour en station est un tout !

Et une fois sur les pistes ?
Une fois le cap de la station et du front de neige franchi, direction les pistes. C’est là qu’interviennent les associations, les clubs et les écoles de ski pour permettre la glisse à un plus grand nombre. Grâce au travail de ces structures en collaboration avec Domaines skiables de France (DSF), le Service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG), ou les constructeurs, des évolutions majeures ont été apportées afin de favoriser et renforcer l’accessibilité des remontées mécaniques. Des avancées d’ailleurs louées par le milieu associatif. Ensuite, plusieurs types d’équipements existent pour découvrir ou profiter de la glisse. Tessier, basé en Savoie et leader mondial, en conçoit la majeure partie, mais n’est pas seul sur le marché. Inventeur de la Go To Ski et président d’Antenne Handicap à La Plagne, Marc Gostoli précise : « Près de 80 % des personnes qui ont un handicap physique peuvent skier debout. Mon invention facilite la vie de tout le monde et offre le même ski à un maximum de personnes lorsque c’est possible, car bien souvent, on leur propose de skier en fauteuil avec les contraintes que l’on connaît aux remontées mécaniques ». En revanche, pour des personnes à mobilité très réduite, ou non autonome, la pratique du ski peut s’avérer être un vrai parcours du combattant. Ainsi, généralement, sept personnes valides accompagnent une personne handicapée. Avec la hausse de la demande, les ESF se sont également adaptées avec l’acquisition de matériel pour proposer du handiski. « On organise un stage chaque année sur la formation des moniteurs, et on travaille également de concert avec les associations et les remontées mécaniques pour faire évoluer le matériel et faciliter le ski pour tous », explique Franck Gravier, directeur technique du SNMSF. Aujourd’hui, près de 800 moniteurs sont formés et compétents pour accueillir un public en situation de handicap, et durant l’hiver 2020, près de 6 000 heures de cours ont été dispensées. La glisse, certains la pousse à l’extrême et opte pour la compétition. Marie Bochet en est le plus bel exemple et ses résultats aux Jeux paralympiques ont permis un coup de projecteur sur la discipline. De quoi faire germer l’idée que la pratique du ski est possible, donner envie de préparer ses bagages et profiter de la montagne.
Léo guilbert

Définition du Handicap
Selon l’article 14 de la loi n°2005-102 du 11 février 2005 : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. » L’Organisation mondiale de la santé (OMS) parle elle de trois dimensions du handicap : la déficience, l’incapacité et le désavantage. Généralement, on distingue cinq grandes catégories : handicap moteur, handicap sensoriel, handicap psychique, handicap mental ou intellectuel et les maladies invalidantes.

Marques et outils numériques au service de tous

TOURISME
À travers la marque d’État Tourisme & Handicap, la destination touristique montagne se structure et se développe.
Neige, glace, froid, dénivelé, chemin rocailleux, tous les éléments des stations de montagne et leur environnement pourraient constituer un frein à l’offre touristique pour les personnes handicapées. Dans les faits, et à tous les niveaux, un important travail est réalisé pour permettre de rendre accessible la montagne sur les quatre saisons. Tourisme & Handicap, marque d’État créée en 2001, a pour objectif d’apporter une information objective et homogène sur l’accessibilité des sites et des équipements touristiques et de développer une offre adaptée et intégrée à l’offre touristique généraliste.

Un gage de sécurité
« Pour les touristes, cette marque représente un engagement pour partir en toute sécurité », explique Luc Thuilliez, chargé de mission accessibilité touristique à la direction générale des entreprises (DGE) relevant du ministère de l’Économie et des Finances. « Un établissement est vérifié selon son engagement et non pas sur une déclaration. Il y a même une réelle volonté d’aller plus loin que le cadre législatif ». Sur les 5 500 établissements recensés, environ 100 sont en zone de montagne. « Sur l’hébergement, petit à petit ça progresse avec les nouvelles constructions qui sont censées respecter les normes ERP », détaille Annette Masson, présidente de l’association Tourisme & Handicap. Et ce même si Véronique Roux de l’office du tourisme de Serre-Chevalier nuance : « L’hébergement reste la grosse difficulté, car les capacités d’accueil sont inférieures à la demande. » La DGE porte également la marque Destination Pour Tous (DPT) qui valorise, elle, un territoire. Si aucun territoire de montagne n’est encore labellisé, Pralognan-La-Vanoise (Trophée du tourisme accessible en 2018) et Arrens-Marsous sont dans une démarche pouvant amener à la labellisation.

Des destinations de choix
Certaines destinations plus que d’autres proposent un accueil adapté et des outils numériques qui recensent toutes les activités, hébergements, restaurations, parkings, ou encore adresses utiles possibles. C’est le cas notamment dans les Pyrénées. « Pour nous, travailler sur l’accessibilité est une exigence, et la labellisation Tourisme & Handicap une garantie pour un public spécifique pour qui un séjour peut facilement déraper », détaille Franck Grivel directeur de l’office du tourisme Grand Tourmalet Pic du Midi. « On travaille en lien avec les associations, le département, Tourisme Hautes-Pyrénées, les remontées mécaniques, ce qui nous a permis de mettre en place l’onglet Handi’Voyageurs sur notre site internet. On souhaite toujours aller plus loin pour favoriser le tourisme de tous », poursuit-il. Une démarche inclusive que l’on retrouve également du côté de Serre-Chevalier. À bien des égards, la station des Hautes-Alpes, apparaît comme une destination structurée dans l’accueil de touristes en situation de handicap. Tous les acteurs concernés agissent pour faire de Serre-Chevalier, un modèle de destination accessible. Les cinq offices du tourisme ont d’ailleurs édité un site internet très complet, véritable outil clé en main pour profiter pleinement du séjour sur le territoire. Indéniablement, les marques, sites internet voire les applications mobiles comme Activ’Handi grâce à laquelle l’utilisateur peut trouver l’activité qui lui correspond, jouent un rôle prépondérant pour l’expérience du touriste et son choix de destination.

Petite structure, gros résultats

Compétition
En dehors du cadre de l’équipe de france, il n’est pas toujours facile de pratiquer dans des structures adaptées.
Avec moins de 200 clubs handisport et presque 800 licenciés, la pratique compétitive du ski représente un microcosme. « Nous sommes un petit public, car bien souvent les clubs handisport privilégient les sports d’été. Cependant, on peut compter sur le soutien des clubs FFS qui permettent à nos sportifs de pratiquer avec les valides », explique Christian Fémy, directeur sportif ski et snowboard à la Fédération française handisport qui gère notamment les équipes de France et la préparation des Jeux paralympiques. C’est le cas par exemple au GUC Grenoble Ski où le handiski se structure petit à petit avec cinq licenciés cette saison, dont Hyacinthe Deleplace (plusieurs podiums en Coupe du Monde, catégorie malvoyant). « Les skieurs handi préfèrent s’entraîner avec les valides, dans les conditions des valides. Côtoyer les autres licenciés du club est stimulant pour eux », explique Nicolas l’Abbate, responsable alpin compétition. Vingt-huit athlètes ont le statut de sportif de haut niveau dont Lou Braz-Dagand, en catégorie fauteuil. « Dans l’ensemble, ce n’est pas évident et il faut connaître les endroits accessibles. Il y a des stations mieux que d’autres comme La Plagne avec un parking souterrain qui donne accès au front de neige par exemple. En quatre ans, j’ai appris à être autonome. Il faut reconnaître qu’on a plus de possibilités qu’un skieur handicapé ordinaire » confie celui qui vise une qualification aux Jeux paralympiques de 2022. Si les skieurs de l’équipe de France ont leurs habitudes à Tignes, les autres doivent s’adapter aux stations qu’ils fréquentent. Indéniablement, tous les acteurs du monde de la compétition jouent le jeu pour voir la pratique se démocratiser. ▲

interview
Christian Fémy, directeur sportif ski et snowboard à la Fédération Française Handisport depuis 2010.
« Tout le monde s’intéresse à l’accessibilité et fait des efforts même si c’est parfois plus dur à mettre en place en montagne où l’environnement peut s’avérer austère, car avec de la neige, ça devient tout de suite compliqué en fauteuil. Sous l’impulsion de DSF ou du SRTMTG, de grandes avancées ont été réalisées en matière d’installations, mais on se heurte à d’autres problématiques telles que les dispositifs antisoumarinage qui assurent la sécurité enfants, mais gênent considérablement les fauteuils. En termes de communication, les stations ont tout intérêt à jouer le jeu.Sur la compétition en tant que telle, on travaille de très près avec la Fédération française de ski (FFS) que ce soit au niveau des structures associées dans les clubs, mais surtout par le biais des pôles, à Moutiers ou Albertville. Marie Bochet ou Arthur Bauchet sont passés par ces structures de haut niveau que nous n’avons pas à la FFH. Nous organisons un circuit Coupe de France de sept étapes avec entre 40 et 50 athlètes toutes catégories à chaque course. Sur les résultats internationaux, nous sommes la meilleure nation mondiale. »