Interview : Pierre Lestas, président de Domaines skiables de France

Après trois mandats à la tête de Domaines skiables de France, Pierre Lestas passe la main. Fier de ce qu’il a réalisé, mais fidèle à son image d’homme intègre, le président sortant dresse un bilan sans concession et sans langue de bois de ces neuf dernières années.
Il revient peu sur les succès qui ont marqué sa présidence, comme la réduction du coût de l’électricité pour les exploitants ou la modification du calendrier scolaire ; il évoque plutôt les problèmes qui restent à régler et les défis à relever.

Montagne Leaders : Au moment de quitter la présidence de DSF, quel regard portez-vous sur la situation des stations de montagne ?
Pierre Lestas : Je dois dire que les orientations qui sont prises actuellement ne me convainquent pas. La gouvernance des stations et des communes est véritablement en danger, principalement à cause de la loi NOTRe. On a multiplié les échelons territoriaux, si bien que les communes supports de stations de ski subissent une dilution mortifère. Le pouvoir des maires est contraint par ces évolutions.
Il est vrai qu’on peut trouver un intérêt à agir à l’échelon intercommunal, mais ça ne doit pas être une règle absolue. Au cas par cas, il faudrait se poser cette question fondamentale : quelle est l’échelle la plus pertinente pour agir ? Et, selon moi, c’est le plus souvent la commune, à condition qu’on lui en laisse les moyens financiers. Aujourd’hui, la plupart du temps, les stations correspondent géographiquement à des communes, et l’on ne fait pas mieux comme centres de décision de proximité. Cette proximité appelle la responsabilité, parce que, tout simplement, les maires ont des comptes à rendre à leurs électeurs.

Montagne Leaders : Mais souvent les communes de montagne ne semblent pas assez puissantes pour mener de grands projets. Cela ne constitue-t-il pas un frein au développement ?
Pierre Lestas : Bien entendu, il faut tenir compte de cet aspect et ne pas exclure d’agir à une échelle plus large que la commune. Mais ce qui est important, c’est que les montagnards gardent la possibilité de s’exprimer, car la vision qu’ont les urbains de la montagne n’est pas forcément adaptée. Les montagnards ont des qualités et surtout un instinct que les gens de la ville n’ont pas. Ce sont eux qui perçoivent le mieux les enjeux de leur territoire. Par exemple, au début des années 60, ce sont les montagnards qui ont conçu les premiers réseaux de neige de culture qui leur permettent aujourd’hui de sécuriser leur modèle économique. Ce sont encore eux qui ont cru à l’économie de la neige. Malheureusement, les pouvoirs publics ne tiennent pas suffisamment compte de la particularité de nos terroirs et j’ai l’impression que les montagnards sont en train de perdre la main. Beaucoup de maires de montagne ne sont pas des politiques, ils peinent à faire face aux rivalités de pouvoirs que la loi NOTRe a fait naître.

Montagne Leaders : Vous avez au moins la satisfaction d’avoir obtenu que la gestion des offices de tourisme puisse rester communale…
Pierre Lestas : Oui, en tant que directeur de la SATELC (Ndlr : Société d’aménagement touristique et d’exploitation de La Clusaz), j’étais particulièrement concerné par ce sujet. Comme Châtel par exemple, La Clusaz et Le Grand-Bornand sont des modèles purs et parfaits. Cela aurait été catastrophique que l’intercommunalité soit chargée de la promotion des stations de ski des Aravis.
J’ai la conviction qu’on ne peut gagner qu’en s’appuyant sur un territoire précis. Je suis d’ailleurs un peu circonspect face à toutes ces marques « ombrelles » qu’on crée aujourd’hui un peu partout, car on ne transforme pas spontanément un territoire administratif en destination touristique.
Pour les offices de tourisme, ce fut un combat d’un mois et demi que j’ai mené avec certains soutiens — comme Charles-Ange Ginesy, président de l’ANMSM, et Laurent Wauquiez, le président de la Région Auvergne-Rhônes-Alpes — mais malheureusement sans celui de la Fédération nationale des offices de tourisme. Au cours de l’ultime réunion de la commission permanente du CNM, j’ai interpellé Manuel Valls à la toute dernière minute et j’ai arraché sa décision de modifier la loi. Mais seulement pour les stations classées. L’avenir n’est pas assuré.

Retrouvez l’ensemble de l’interview dans le Montagne Leaders N°269