Plan neige : une nouvelle ambition pour la montagne ?

Le 3 mai dernier, la Région Auvergne Rhône-Alpes, par le verbe de son président Laurent Wauquiez, a dévoilé depuis la station iséroise de Lans-en-Vercors, le très attendu Plan neige qui couvrira l’ensemble du mandat du Conseil régional actuel, de 2016 à 2022.
Pour autant, pas question de chausser les pompes de randonnée pour suivre Laurent Wauquiez. Car lui n’avait pas choisi de gravir le mont Beuvray à l’image d’Arnaud Montebourg pour laisser présager une hypothétique candidature présidentielle mais avait plutôt donné rendez-vous aux acteurs des domaines skiables, du monde de la neige et du ski pour annoncer un plan concret en faveur de la montagne. Le choix de Lans-en-Vercors n’avait d’ailleurs rien d’anodin et laissait présager, ou tout du moins présumer, une partie du plan dévoilé. Car la station du Vercors fait partie de ces stations non-équipées en neige de culture et qui n’ont pas pu, cet hiver, produire de l’or blanc pour tenter de combler le manque de cristaux naturels.
Accueillis par Michaël Kraemer, maire de la commune, les représentants de quasiment toutes les stations du territoire Auvergne Rhône-Alpes avaient fait le déplacement pour en savoir plus sur ce très attendu Plan neige…

Un bref rappel historique et sémantique en guise d’introduction s’impose. Dans le vocabulaire commun, le Plan neige fait référence au plan national en faveur du ski et de la création de domaines skiables lancé en 1964 sous la présidence de Georges Pompidou. Cette politique initiée par l’Etat visait à aménager les montagnes françaises, quels que soient les massifs. Il s’agissait d’organiser le tourisme de masse et de capter les clients étrangers. C’est dans ce cadre qu’ont été créées les stations de troisième génération, ou stations intégrées dont les modèles étaient Courchevel et La Plagne. Le plan Neige a donc imposé, au début des années 1960, le concept de la station intégrée conçue comme le prototype de développement urbain calibré par l’importance du domaine skiable. Leurs concepteurs créèrent de véritables cités d’altitude comprenant des milliers de lits chacune, innovèrent en créant les « grenouillères » ou fronts de neige d’où tout converge et, ont fait naître une véritable industrie du tourisme et de l’aménagement de la montagne. Au total plus de 150 000 lits seront créés en montagne. Durant plus d’une décennie, la France vit au rythme des créations de nouvelles stations jusqu’à ce que le Président de la République de l’époque, Valérie Giscard d’Estaing, mette un coup d’arrêt à l’aménagement frénétique de la montagne par son discours prononcé à Vallouise le 23 août 1977.
Il faut vous l’avouer, en arrivant au centre culturel le Cairn, aux alentours de 10h30 – le début de l’annonce étant programmé pour 11h – nous ne connaissions pas avec exactitude les contours du futur plan que Laurent Wauquiez comptait annoncer. Nous avions certes notre petite idée sur la question, mais nous ne détenions pas la vérité. Sous l’appellation Plan neige-stations se cachait bien la terminologie de « Plan neige » mais comment répéter aujourd’hui ce qui a été réalisé hier ? Loin de nous l’idée de croire que de nouvelles stations allaient poussées comme des champignons, mais plutôt l’espoir de voir et de constater que les pouvoirs publics, la nouvelle grande région Auvergne Rhône-Alpes en l’occurrence, étaient aux côtés de la montagne, de ses populations, de ses acteurs et comptaient les accompagner dans leur développement, dans leur avenir, dans leurs
investissements.

Le plan neige du XXIe siècle ?
Laissons derrière nous le Plan Neige des années 1960-1970 qui n’a plus de raison d’être et qui n’aurait surtout pas de raison d’être aujourd’hui s’il était répété à l’identique. Le marché du ski est mature et les problématiques ne sont plus les mêmes qu’avant. Dès lors, quels ont été les éléments annoncés ? En quoi consiste ce plan neige-stations tant attendu ?
Avant toute chose, rappelons le contexte. Pourquoi un plan neige pour la région Auvergne Rhône-Alpes ? Si la question mérite d’être posée, la réponse est somme toute logique. La nouvelle région constituée est la première région de montagne de France puisque près de deux tiers du territoire se trouvent en zone de montagne et plus de 180 000 emplois sont directement liés à l’industrie de la neige. En sus, sur les douze départements qui composent la nouvelle région, onze comptent des domaines skiables. Dès lors, et comme l’a souligné Laurent Wauquiez dès sa très attendue prise de parole, « la région n’a pas le droit de tourner le dos à la montagne, au tourisme, au ski ». Elle se devait d’aider la montagne car « c’est une chance d’avoir sur notre territoire parmi les meilleures stations du monde ».
Déjà, et c’est à noter, le plan présenté le 3 mai dernier n’est que le premier acte d’un vaste plan dédié aux territoires de montagne et ne concerne que la neige, la neige de culture. Pour Laurent Wauquiez ce choix s’est imposé naturellement puisqu’il ne faut pas subir le changement climatique mais s’y adapter.
« Si nous faisons les bons choix, nous pouvons nous y adapter et y apporter les bonnes réponses. Si nous attendons et que nous subissons, nous aurons un sinistre économique sur notre territoire ». Qui plus est, et comme l’a souligné le président de la région, la France accuse aujourd’hui un sérieux retard en matière de superficie des domaines skiables couverte en neige de culture, comparativement à l’Autriche et même à l’Italie alors même que cette dernière était en recul par rapport à la France il y a encore quelques années. Il est clair que la neige de culture peut sauver ou tout du moins diminuer les pertes d’une saison délicate : les débuts d’hiver 2013/14 et 2014/15 en sont la preuve même si, pour produire de la neige, il faut du froid et que si le début d’hiver est trop doux…
Le premier moteur économique et touristique de la région est le ski, Auvergne Rhône-Alpes se devait donc d’encourager et de participer aux investissements liés à la neige. Car oui, ce plan est dans un premier temps principalement, voir exclusivement dédié à l’accompagnement d’investissements liés à la neige de culture en visant, en priorité, les zones stratégiques des stations.

Un plan en faveur de la neige de culture
Pour aider les stations de la région à s’équiper, à moderniser et à optimiser leur réseau de neige de culture, la région va lancer un vaste appel à projets sur l’intégralité de son mandat. Sur les six années d’exercice, Laurent Wauquiez souhaite engager deux cent millions d’euros de travaux. « L’idée est d’enclencher la dynamique et que la région entraîne avec elle l’ensemble des acteurs. Nous allons commencer cette année en allouant dix millions d’euros en faveur de la neige de culture. La neige de culture est l’assurance vie et l’assurance chômage de nos stations » a lancé Laurent Wauquiez, avant de préciser que « la région pourra financer jusqu’à un quart du projet ». Par ce plan, l’exécutif de la région Auvergne Rhône-Alpes souhaite lancer une dynamique nationale puisqu’il espère, à l’image du Plan Neige de Georges Pompidou, que l’Etat s’investisse aux côtés de la région et « prenne soin de la montagne ». Laurent Wauquiez espère également « qu’avec d’autres partenaires, nous arriverons à un cofinancement de 50 % des projets ». Jean-Pierre Barbier, président du conseil départemental de l’Isère, a immédiatement lancé que « l’Isère souhaite être en pleine synergie avec la région puisque les collectivités ne peuvent pas travailler chacune dans leur coin : il est nécessaire de travailler ensemble. L’Isère sera aux côtés des stations du département. Pour l’avenir de nos massifs, il faut de la neige de culture car pour le tourisme de montagne, la neige reste essentielle et le ski une locomotive. Quand la région allouera  un euro en faveur de la neige de culture, le département en fera de même ».
Pour autant, pas question de noyer les porteurs de projets sous de la paperasse inutile et chronophage ou de les perdre dans un processus administratif abracadabrantesque. Laurent Wauquiez souhaite une procédure simple, efficace et rapide. D’autant plus qu’il s’est fait fort d’annoncer que « la région se fera le grand ensemblier de tous les partenaires afin que les stations aient un interlocuteur unique dans leur démarche : un seul dossier qui sera commun ».
Mais le député-maire du Puy-en-Velay souhaite aller encore plus loin. Au cours des nombreuses consultations qu’il a mené avec différentes instances, nombreuses étaient les demandes allant dans la direction d’un délai d’instruction plus efficace des dossiers relatifs aux travaux en montagne et surtout une simplification des démarches. Dès lors, le président de la région a annoncé vouloir « s’associer aux services de l’Etat et aux préfets de région pour notamment faciliter les démarches relatives à la mise en œuvre de retenues collinaires afin d’avoir un délai d’instruction des dossiers plus rapide ».
Si le premier acte du plan neige concerne la neige de culture, il visera bien évidemment l’acquisition de nouveaux matériels, la réalisation ou l’optimisation de retenues collinaires sans oublier le volet réseau, usine à neige et canalisations. Le plan lancé par la région prévoit bien évidemment d’aider au financement de nouveaux réseaux mais également à l’optimisation ou au remplacement de l’existant. En effet, depuis les années 1990, les technologies ont énormément évolué, les températures de production ne sont plus les mêmes, les besoins en eau et en air non plus. En outre, aujourd’hui et face au défi du changement climatique, les domaines skiables disposent de fenêtre de production parfois restreintes : il faut produire beaucoup et en peu de temps. Le plan proposé par la région est, en outre, en totale adéquation avec le développement durable puisqu’il servira à financer des installations moins gourmandes en ressources énergétiques, plus efficaces et efficientes.

La neige de culture est l’assurance vie et l’assurance chômage de nos stations

Faisons taire les rumeurs infondées
Que ce soit dans la presse nationale ou locale, écrite ou télévisuelle, les critiques à l’encontre de la neige de culture fusent, souvent à tort ou sans réel fondement d’ailleurs. Que peut-on entendre ? « La neige de culture pèse sur les réserves d’eau et sur la biodiversité », « l’utilisation d’additifs chimiques destinés à favoriser la cristallisation engendre une pollution des sols »,
« les enneigeurs provoquent des nuisances sonores », « produire de la neige de culture nécessite une trop grande quantité d’eau ». Apportons une réponse sérieuse, vérifiée et somme toute honnête sur la neige de culture pour tenter de faire taire ces rumeurs infondées. Pour produire de la neige, il faut de l’eau et de l’air. Simplement ces deux éléments naturels, nulle question ici d’additif ou de produit chimique. Ensuite, avez-vous déjà rencontré quelqu’un se plaignant des nuisances sonores liées à la production de neige de culture ?
Quant à la quantité d’eau nécessaire à la production de neige, laissons la parole à Pierre Lestas. Pour le président de Domaines Skiables de France, la neige produite est restituée à la nature, donc l’eau prélevée, d’une forme ou d’une autre, retourne à ses origines. Mais pour répondre au faux débat sur la consommation en eau nécessaire à la production de neige, Pierre Lestas s’est appuyé sur des chiffres. « Les domaines skiables français utilisent chaque année vingt millions de mètres cube d’eau quand les piscines privées en utilisent de trente à quarante millions ». Nous pourrions également préciser que de la production de neige découle des retombées économiques puisque sans neige pas de ski, pas de touristes, pas de clients, pas de vente de forfaits, de cours de ski, de location de matériels, pas de personnel aux remontées mécaniques ou à tous les postes nécessaires au bon fonctionnement d’un domaine skiable. La production de neige de culture consomme moins d’eau que les piscines privées alors même qu’elle engendre des ressources économiques et sociales plus qu’importantes. Qu’en est-il des piscines privées ?
Certains opposent également neige de culture et développement durable mais, qu’en est-il concrètement ? Pour le président du Conseil départemental de l’Isère Jean-Pierre Barbier, « aujourd’hui, on ne parle plus que de l’environnement, on a dévoyé ce qu’est le développement durable. Pourtant, ce dernier est constitué de trois axes : le social, l’économie et l’environnement. Il faut qu’on arrive à remettre l’humain au centre de nos préoccupations, au centre de la montagne ». Et, la neige
de culture participera à n’en pas douter à mettre l’humain au centre puisque sans neige, pas de sports d’hiver, pas ou peu d’emplois…

Sans neige, ni ski ni emplois sécurisés
C’est somme toute logique : sans neige, pas de ski, pas de retombées économiques liées aux sports d’hiver, des pertes d’emplois, des pertes de recettes, des pertes d’attractivité, un déclin du tourisme montagnard. Lans-en-Vercors a conclu sa saison avec une perte de chiffre d’affaires de l’ordre de 45 % par rapport à la saison dernière. La raison ? Vingt mètres…la distance entre le front de neige non enneigé et le bas des pistes enneigées. Le domaine était exploitable mais la liaison entre le bas des pistes et le front de neige n’était pas effectuée. Vingt mètres qui séparent Lans-en-Vercors d’une saison quasi-normale d’une saison catastrophique. La station du Vercors ne dispose pas d’un réseau de neige de culture mais sait que son avenir doit passer par sa réalisation, d’autant plus que la sécurisation de la neige est un des chantiers du conseil municipal comme l’a rappelé Michaël Kraemer à l’occasion de son discours inaugural. « Ne nous le cachons pas, la neige de culture c’est onéreux entre l’acquisition de perches, la création d’une retenue collinaire et des réseaux, mais c’est le prix à payer pour garder nos emplois. A Lans-en-Vercors, c’est 250 emplois directs et indirects. Et quand on parle d’emplois, on parle aussi de famille et de garder les enfants au pays. Car, bon nombre ont un travail l’été, mais celui de l’hiver a une coloration particulière et sentimentale et, permet parfois de combler la précarité estivale » a tenu a rappeler très justement le maire de Lans-en-Vercors.
Pierre Lestas a également salué la démarche engagée par la région Auvergne Rhône-Alpes qui permettra à n’en pas douter de « fiabiliser nos réseaux de neige de culture des stations du territoire, de sécuriser notre économie et nos emplois », avant de rappeler qu’il était nécessaire de poursuivre la bataille contre l’aléa climatique menée depuis plus de 20 ans et, qui a notamment permis la création de réseau de neige de culture permettant à la France de devenir la première destination mondiale en matière de sports d’hiver et de l’être encore aujourd’hui.

Un plan en plusieurs actes
Laurent Wauquiez l’a précisé dès ses propos liminaires. Le plan en faveur de la neige de culture n’est que la base d’un vaste programme en faveur des territoires de montagne. En effet, la région compte poursuivre des actions en faveur de l’hébergement touristique pour « éviter de se faire gagner par les lits froids en relançant une politique en la matière sans oublier la réhabilitation des lits existants » selon les propos de Laurent Wauquiez. L’accès aux stations et aux domaines skiables sera également un axe de travail et de réflexion puisqu’avoir les plus beaux domaines skiables du monde c’est bien, pouvoir y accéder facilement, c’est mieux. Pour ce faire, la région va devoir s’associer aux départements ainsi qu’à certaines communautés de communes ou d’agglomérations qui disposent de compétences en la matière.
En sus, la région compte œuvrer en faveur de l’accès aux soins. Auvergne Rhône-Alpes compte réfléchir à comment faire venir sur les territoires de montagne des professionnels de la santé et, compte mettre en place une politique efficace en la matière afin de les attirer ou de les accompagner dans leur maintien en zone de montagne, de les aider à s’installer et à s’équiper. La grande région compte également s’investir en faveur de la montagne estivale et du tourisme d’été pour que la montagne quatre saisons deviennent une réalité. Enfin, Laurent Wauquiez n’a pas oublié les télécommunications et le développement de réseaux de téléphonie mobile. Pour ce faire, il compte rencontrer les différents opérateurs et leur proposer que la région finance les pylônes et que les opérateurs les équipent ensuite. « Si on arrive à mettre cela en place, il pourra y avoir un effet de démultiplication. Ce n’est pas gagné, mais nous allons tout faire pour remplir cet objectif » a-t-il souligné.

Quels partenaires pour suivre la région ?
Bien évidemment, les différents départements ont et vont être sollicités, à l’image de l’Isère qui a d’ores et déjà indiqué qu’il s’inscrirait dans la même démarche que la région en allouant un euro pour chaque euro versé par la région dans un projet en faveur de la neige de culture. Laurent Wauquiez a également évoqué la piste de la Caisse des Dépôts et Consignations, CDC. En effet, en mobilisant un milliard d’euros sur cinq ans pour renforcer l’attrait touristique de la France, la CDC peut et pourrait devenir un partenaire de choix, notamment en ce qui concerne l’accompagnement
financier de la rénovation des hébergements et la résolution de la problématique des lits froids. L’Etat français s’est fixé l’objectif d’accueillir cent millions de touristes étrangers à l’horizon 2020. Dès lors, l’hébergement touristique est une piste à privilégier pour y parvenir. En lançant au deuxième trimestre, en collaboration avec la Foncière des Régions, la foncière Développement Tourisme qui aura la vocation d’accroître les capacités d’hébergement au service du tourisme, la CDC a fait un pas de plus en faveur du tourisme. Dotée d’un capital initial de cent millions d’euros, la foncière ouvrira ensuite son capital à d’autres investisseurs avec pour objectif une levée de cinq cent millions d’euros.
N’oublions pas non plus que le 2 octobre dernier la CDC, le Crédit Agricole des Savoie, le Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes, la Banque Populaire des Alpes et la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes ont officialisé la création de la Foncière Hôtelière des Alpes dont l’objectif est de soutenir l’hôtellerie des stations de la Savoie, de la Haute-Savoie et de l’Isère en contribuant à créer 1 500 à 2 000 lits chauds à l’horizon de cinq ans. Laurent Wauquiez l’a très bien souligné à l’occasion de la présentation du plan neige-stations, la montagne est l’affaire de tous et, il est nécessaire que l’ensemble des acteurs se mobilise pour qu’elle conserve sa superbe et son attractivité.

En guise de conclusion, laissons la parole à Gilles Chabert, conseiller spécial montagne de la région Auvergne Rhône-Alpes. « Le plan neige que nous portons est vital pour continuer à faire skier chez nous des clients du monde entier. Ce qui nous anime, c’est ce qui se passe aujourd’hui et ce que nous allons faire aujourd’hui. Il est nécessaire de dire ce que l’on fait et de faire ce que l’on dit ». Tout est dit…

© G. Buffard

Un bref rappel historique et sémantique en guise d’introduction s’impose. Dans le vocabulaire commun, le Plan neige fait référence au plan national en faveur du ski et de la création de domaines skiables lancé en 1964 sous la présidence de Georges Pompidou. Cette politique initiée par l’Etat visait à aménager les montagnes françaises, quels que soient les massifs. Il s’agissait d’organiser le tourisme de masse et de capter les clients étrangers. C’est dans ce cadre qu’ont été créées les stations de troisième génération, ou stations intégrées dont les modèles étaient Courchevel et La Plagne. Le plan Neige a donc imposé, au début des années 1960, le concept de la station intégrée conçue comme le prototype de développement urbain calibré par l’importance du domaine skiable. Leurs concepteurs créèrent de véritables cités d’altitude comprenant des milliers de lits chacune, innovèrent en créant les « grenouillères » ou fronts de neige d’où tout converge et, ont fait naître une véritable industrie du tourisme et de l’aménagement de la montagne. Au total plus de 150 000 lits seront créés en montagne. Durant plus d’une décennie, la France vit au rythme des créations de nouvelles stations jusqu’à ce que le Président de la République de l’époque, Valérie Giscard d’Estaing, mette un coup d’arrêt à l’aménagement frénétique de la montagne par son discours prononcé à Vallouise le 23 août 1977.
Il faut vous l’avouer, en arrivant au centre culturel le Cairn, aux alentours de 10h30 – le début de l’annonce étant programmé pour 11h – nous ne connaissions pas avec exactitude les contours du futur plan que Laurent Wauquiez comptait annoncer. Nous avions certes notre petite idée sur la question, mais nous ne détenions pas la vérité. Sous l’appellation Plan neige-stations se cachait bien la terminologie de « Plan neige » mais comment répéter aujourd’hui ce qui a été réalisé hier ? Loin de nous l’idée de croire que de nouvelles stations allaient poussées comme des champignons, mais plutôt l’espoir de voir et de constater que les pouvoirs publics, la nouvelle grande région Auvergne Rhône-Alpes en l’occurrence, étaient aux côtés de la montagne, de ses populations, de ses acteurs et comptaient les accompagner dans leur développement, dans leur avenir, dans leurs
investissements.

Le plan neige du XXIe siècle ?
Laissons derrière nous le Plan Neige des années 1960-1970 qui n’a plus de raison d’être et qui n’aurait surtout pas de raison d’être aujourd’hui s’il était répété à l’identique. Le marché du ski est mature et les problématiques ne sont plus les mêmes qu’avant. Dès lors, quels ont été les éléments annoncés ? En quoi consiste ce plan neige-stations tant attendu ?
Avant toute chose, rappelons le contexte. Pourquoi un plan neige pour la région Auvergne Rhône-Alpes ? Si la question mérite d’être posée, la réponse est somme toute logique. La nouvelle région constituée est la première région de montagne de France puisque près de deux tiers du territoire se trouvent en zone de montagne et plus de 180 000 emplois sont directement liés à l’industrie de la neige. En sus, sur les douze départements qui composent la nouvelle région, onze comptent des domaines skiables. Dès lors, et comme l’a souligné Laurent Wauquiez dès sa très attendue prise de parole, « la région n’a pas le droit de tourner le dos à la montagne, au tourisme, au ski ». Elle se devait d’aider la montagne car « c’est une chance d’avoir sur notre territoire parmi les meilleures stations du monde ».
Déjà, et c’est à noter, le plan présenté le 3 mai dernier n’est que le premier acte d’un vaste plan dédié aux territoires de montagne et ne concerne que la neige, la neige de culture. Pour Laurent Wauquiez ce choix s’est imposé naturellement puisqu’il ne faut pas subir le changement climatique mais s’y adapter.
« Si nous faisons les bons choix, nous pouvons nous y adapter et y apporter les bonnes réponses. Si nous attendons et que nous subissons, nous aurons un sinistre économique sur notre territoire ». Qui plus est, et comme l’a souligné le président de la région, la France accuse aujourd’hui un sérieux retard en matière de superficie des domaines skiables couverte en neige de culture, comparativement à l’Autriche et même à l’Italie alors même que cette dernière était en recul par rapport à la France il y a encore quelques années. Il est clair que la neige de culture peut sauver ou tout du moins diminuer les pertes d’une saison délicate : les débuts d’hiver 2013/14 et 2014/15 en sont la preuve même si, pour produire de la neige, il faut du froid et que si le début d’hiver est trop doux…
Le premier moteur économique et touristique de la région est le ski, Auvergne Rhône-Alpes se devait donc d’encourager et de participer aux investissements liés à la neige. Car oui, ce plan est dans un premier temps principalement, voir exclusivement dédié à l’accompagnement d’investissements liés à la neige de culture en visant, en priorité, les zones stratégiques des stations.

Un plan en faveur de la neige de culture
Pour aider les stations de la région à s’équiper, à moderniser et à optimiser leur réseau de neige de culture, la région va lancer un vaste appel à projets sur l’intégralité de son mandat. Sur les six années d’exercice, Laurent Wauquiez souhaite engager deux cent millions d’euros de travaux. « L’idée est d’enclencher la dynamique et que la région entraîne avec elle l’ensemble des acteurs. Nous allons commencer cette année en allouant dix millions d’euros en faveur de la neige de culture. La neige de culture est l’assurance vie et l’assurance chômage de nos stations » a lancé Laurent Wauquiez, avant de préciser que « la région pourra financer jusqu’à un quart du projet ». Par ce plan, l’exécutif de la région Auvergne Rhône-Alpes souhaite lancer une dynamique nationale puisqu’il espère, à l’image du Plan Neige de Georges Pompidou, que l’Etat s’investisse aux côtés de la région et « prenne soin de la montagne ». Laurent Wauquiez espère également « qu’avec d’autres partenaires, nous arriverons à un cofinancement de 50 % des projets ». Jean-Pierre Barbier, président du conseil départemental de l’Isère, a immédiatement lancé que « l’Isère souhaite être en pleine synergie avec la région puisque les collectivités ne peuvent pas travailler chacune dans leur coin : il est nécessaire de travailler ensemble. L’Isère sera aux côtés des stations du département. Pour l’avenir de nos massifs, il faut de la neige de culture car pour le tourisme de montagne, la neige reste essentielle et le ski une locomotive. Quand la région allouera  un euro en faveur de la neige de culture, le département en fera de même ».
Pour autant, pas question de noyer les porteurs de projets sous de la paperasse inutile et chronophage ou de les perdre dans un processus administratif abracadabrantesque. Laurent Wauquiez souhaite une procédure simple, efficace et rapide. D’autant plus qu’il s’est fait fort d’annoncer que « la région se fera le grand ensemblier de tous les partenaires afin que les stations aient un interlocuteur unique dans leur démarche : un seul dossier qui sera commun ».
Mais le député-maire du Puy-en-Velay souhaite aller encore plus loin. Au cours des nombreuses consultations qu’il a mené avec différentes instances, nombreuses étaient les demandes allant dans la direction d’un délai d’instruction plus efficace des dossiers relatifs aux travaux en montagne et surtout une simplification des démarches. Dès lors, le président de la région a annoncé vouloir « s’associer aux services de l’Etat et aux préfets de région pour notamment faciliter les démarches relatives à la mise en œuvre de retenues collinaires afin d’avoir un délai d’instruction des dossiers plus rapide ».
Si le premier acte du plan neige concerne la neige de culture, il visera bien évidemment l’acquisition de nouveaux matériels, la réalisation ou l’optimisation de retenues collinaires sans oublier le volet réseau, usine à neige et canalisations. Le plan lancé par la région prévoit bien évidemment d’aider au financement de nouveaux réseaux mais également à l’optimisation ou au remplacement de l’existant. En effet, depuis les années 1990, les technologies ont énormément évolué, les températures de production ne sont plus les mêmes, les besoins en eau et en air non plus. En outre, aujourd’hui et face au défi du changement climatique, les domaines skiables disposent de fenêtre de production parfois restreintes : il faut produire beaucoup et en peu de temps. Le plan proposé par la région est, en outre, en totale adéquation avec le développement durable puisqu’il servira à financer des installations moins gourmandes en ressources énergétiques, plus efficaces et efficientes.

La neige de culture est l’assurance vie et l’assurance chômage de nos stations

Faisons taire les rumeurs infondées
Que ce soit dans la presse nationale ou locale, écrite ou télévisuelle, les critiques à l’encontre de la neige de culture fusent, souvent à tort ou sans réel fondement d’ailleurs. Que peut-on entendre ? « La neige de culture pèse sur les réserves d’eau et sur la biodiversité », « l’utilisation d’additifs chimiques destinés à favoriser la cristallisation engendre une pollution des sols »,
« les enneigeurs provoquent des nuisances sonores », « produire de la neige de culture nécessite une trop grande quantité d’eau ». Apportons une réponse sérieuse, vérifiée et somme toute honnête sur la neige de culture pour tenter de faire taire ces rumeurs infondées. Pour produire de la neige, il faut de l’eau et de l’air. Simplement ces deux éléments naturels, nulle question ici d’additif ou de produit chimique. Ensuite, avez-vous déjà rencontré quelqu’un se plaignant des nuisances sonores liées à la production de neige de culture ?
Quant à la quantité d’eau nécessaire à la production de neige, laissons la parole à Pierre Lestas. Pour le président de Domaines Skiables de France, la neige produite est restituée à la nature, donc l’eau prélevée, d’une forme ou d’une autre, retourne à ses origines. Mais pour répondre au faux débat sur la consommation en eau nécessaire à la production de neige, Pierre Lestas s’est appuyé sur des chiffres. « Les domaines skiables français utilisent chaque année vingt millions de mètres cube d’eau quand les piscines privées en utilisent de trente à quarante millions ». Nous pourrions également préciser que de la production de neige découle des retombées économiques puisque sans neige pas de ski, pas de touristes, pas de clients, pas de vente de forfaits, de cours de ski, de location de matériels, pas de personnel aux remontées mécaniques ou à tous les postes nécessaires au bon fonctionnement d’un domaine skiable. La production de neige de culture consomme moins d’eau que les piscines privées alors même qu’elle engendre des ressources économiques et sociales plus qu’importantes. Qu’en est-il des piscines privées ?
Certains opposent également neige de culture et développement durable mais, qu’en est-il concrètement ? Pour le président du Conseil départemental de l’Isère Jean-Pierre Barbier, « aujourd’hui, on ne parle plus que de l’environnement, on a dévoyé ce qu’est le développement durable. Pourtant, ce dernier est constitué de trois axes : le social, l’économie et l’environnement. Il faut qu’on arrive à remettre l’humain au centre de nos préoccupations, au centre de la montagne ». Et, la neige
de culture participera à n’en pas douter à mettre l’humain au centre puisque sans neige, pas de sports d’hiver, pas ou peu d’emplois…

Sans neige, ni ski ni emplois sécurisés
C’est somme toute logique : sans neige, pas de ski, pas de retombées économiques liées aux sports d’hiver, des pertes d’emplois, des pertes de recettes, des pertes d’attractivité, un déclin du tourisme montagnard. Lans-en-Vercors a conclu sa saison avec une perte de chiffre d’affaires de l’ordre de 45 % par rapport à la saison dernière. La raison ? Vingt mètres…la distance entre le front de neige non enneigé et le bas des pistes enneigées. Le domaine était exploitable mais la liaison entre le bas des pistes et le front de neige n’était pas effectuée. Vingt mètres qui séparent Lans-en-Vercors d’une saison quasi-normale d’une saison catastrophique. La station du Vercors ne dispose pas d’un réseau de neige de culture mais sait que son avenir doit passer par sa réalisation, d’autant plus que la sécurisation de la neige est un des chantiers du conseil municipal comme l’a rappelé Michaël Kraemer à l’occasion de son discours inaugural. « Ne nous le cachons pas, la neige de culture c’est onéreux entre l’acquisition de perches, la création d’une retenue collinaire et des réseaux, mais c’est le prix à payer pour garder nos emplois. A Lans-en-Vercors, c’est 250 emplois directs et indirects. Et quand on parle d’emplois, on parle aussi de famille et de garder les enfants au pays. Car, bon nombre ont un travail l’été, mais celui de l’hiver a une coloration particulière et sentimentale et, permet parfois de combler la précarité estivale » a tenu a rappeler très justement le maire de Lans-en-Vercors.
Pierre Lestas a également salué la démarche engagée par la région Auvergne Rhône-Alpes qui permettra à n’en pas douter de « fiabiliser nos réseaux de neige de culture des stations du territoire, de sécuriser notre économie et nos emplois », avant de rappeler qu’il était nécessaire de poursuivre la bataille contre l’aléa climatique menée depuis plus de 20 ans et, qui a notamment permis la création de réseau de neige de culture permettant à la France de devenir la première destination mondiale en matière de sports d’hiver et de l’être encore aujourd’hui.

Un plan en plusieurs actes
Laurent Wauquiez l’a précisé dès ses propos liminaires. Le plan en faveur de la neige de culture n’est que la base d’un vaste programme en faveur des territoires de montagne. En effet, la région compte poursuivre des actions en faveur de l’hébergement touristique pour « éviter de se faire gagner par les lits froids en relançant une politique en la matière sans oublier la réhabilitation des lits existants » selon les propos de Laurent Wauquiez. L’accès aux stations et aux domaines skiables sera également un axe de travail et de réflexion puisqu’avoir les plus beaux domaines skiables du monde c’est bien, pouvoir y accéder facilement, c’est mieux. Pour ce faire, la région va devoir s’associer aux départements ainsi qu’à certaines communautés de communes ou d’agglomérations qui disposent de compétences en la matière.
En sus, la région compte œuvrer en faveur de l’accès aux soins. Auvergne Rhône-Alpes compte réfléchir à comment faire venir sur les territoires de montagne des professionnels de la santé et, compte mettre en place une politique efficace en la matière afin de les attirer ou de les accompagner dans leur maintien en zone de montagne, de les aider à s’installer et à s’équiper. La grande région compte également s’investir en faveur de la montagne estivale et du tourisme d’été pour que la montagne quatre saisons deviennent une réalité. Enfin, Laurent Wauquiez n’a pas oublié les télécommunications et le développement de réseaux de téléphonie mobile. Pour ce faire, il compte rencontrer les différents opérateurs et leur proposer que la région finance les pylônes et que les opérateurs les équipent ensuite. « Si on arrive à mettre cela en place, il pourra y avoir un effet de démultiplication. Ce n’est pas gagné, mais nous allons tout faire pour remplir cet objectif » a-t-il souligné.

Quels partenaires pour suivre la région ?
Bien évidemment, les différents départements ont et vont être sollicités, à l’image de l’Isère qui a d’ores et déjà indiqué qu’il s’inscrirait dans la même démarche que la région en allouant un euro pour chaque euro versé par la région dans un projet en faveur de la neige de culture. Laurent Wauquiez a également évoqué la piste de la Caisse des Dépôts et Consignations, CDC. En effet, en mobilisant un milliard d’euros sur cinq ans pour renforcer l’attrait touristique de la France, la CDC peut et pourrait devenir un partenaire de choix, notamment en ce qui concerne l’accompagnement
financier de la rénovation des hébergements et la résolution de la problématique des lits froids. L’Etat français s’est fixé l’objectif d’accueillir cent millions de touristes étrangers à l’horizon 2020. Dès lors, l’hébergement touristique est une piste à privilégier pour y parvenir. En lançant au deuxième trimestre, en collaboration avec la Foncière des Régions, la foncière Développement Tourisme qui aura la vocation d’accroître les capacités d’hébergement au service du tourisme, la CDC a fait un pas de plus en faveur du tourisme. Dotée d’un capital initial de cent millions d’euros, la foncière ouvrira ensuite son capital à d’autres investisseurs avec pour objectif une levée de cinq cent millions d’euros.
N’oublions pas non plus que le 2 octobre dernier la CDC, le Crédit Agricole des Savoie, le Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes, la Banque Populaire des Alpes et la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes ont officialisé la création de la Foncière Hôtelière des Alpes dont l’objectif est de soutenir l’hôtellerie des stations de la Savoie, de la Haute-Savoie et de l’Isère en contribuant à créer 1 500 à 2 000 lits chauds à l’horizon de cinq ans. Laurent Wauquiez l’a très bien souligné à l’occasion de la présentation du plan neige-stations, la montagne est l’affaire de tous et, il est nécessaire que l’ensemble des acteurs se mobilise pour qu’elle conserve sa superbe et son attractivité.

En guise de conclusion, laissons la parole à Gilles Chabert, conseiller spécial montagne de la région Auvergne Rhône-Alpes. « Le plan neige que nous portons est vital pour continuer à faire skier chez nous des clients du monde entier. Ce qui nous anime, c’est ce qui se passe aujourd’hui et ce que nous allons faire aujourd’hui. Il est nécessaire de dire ce que l’on fait et de faire ce que l’on dit ». Tout est dit…

© G. Buffard

Un bref rappel historique et sémantique en guise d’introduction s’impose. Dans le vocabulaire commun, le Plan neige fait référence au plan national en faveur du ski et de la création de domaines skiables lancé en 1964 sous la présidence de Georges Pompidou. Cette politique initiée par l’Etat visait à aménager les montagnes françaises, quels que soient les massifs. Il s’agissait d’organiser le tourisme de masse et de capter les clients étrangers. C’est dans ce cadre qu’ont été créées les stations de troisième génération, ou stations intégrées dont les modèles étaient Courchevel et La Plagne. Le plan Neige a donc imposé, au début des années 1960, le concept de la station intégrée conçue comme le prototype de développement urbain calibré par l’importance du domaine skiable. Leurs concepteurs créèrent de véritables cités d’altitude comprenant des milliers de lits chacune, innovèrent en créant les « grenouillères » ou fronts de neige d’où tout converge et, ont fait naître une véritable industrie du tourisme et de l’aménagement de la montagne. Au total plus de 150 000 lits seront créés en montagne. Durant plus d’une décennie, la France vit au rythme des créations de nouvelles stations jusqu’à ce que le Président de la République de l’époque, Valérie Giscard d’Estaing, mette un coup d’arrêt à l’aménagement frénétique de la montagne par son discours prononcé à Vallouise le 23 août 1977.
Il faut vous l’avouer, en arrivant au centre culturel le Cairn, aux alentours de 10h30 – le début de l’annonce étant programmé pour 11h – nous ne connaissions pas avec exactitude les contours du futur plan que Laurent Wauquiez comptait annoncer. Nous avions certes notre petite idée sur la question, mais nous ne détenions pas la vérité. Sous l’appellation Plan neige-stations se cachait bien la terminologie de « Plan neige » mais comment répéter aujourd’hui ce qui a été réalisé hier ? Loin de nous l’idée de croire que de nouvelles stations allaient poussées comme des champignons, mais plutôt l’espoir de voir et de constater que les pouvoirs publics, la nouvelle grande région Auvergne Rhône-Alpes en l’occurrence, étaient aux côtés de la montagne, de ses populations, de ses acteurs et comptaient les accompagner dans leur développement, dans leur avenir, dans leurs
investissements.

Le plan neige du XXIe siècle ?
Laissons derrière nous le Plan Neige des années 1960-1970 qui n’a plus de raison d’être et qui n’aurait surtout pas de raison d’être aujourd’hui s’il était répété à l’identique. Le marché du ski est mature et les problématiques ne sont plus les mêmes qu’avant. Dès lors, quels ont été les éléments annoncés ? En quoi consiste ce plan neige-stations tant attendu ?
Avant toute chose, rappelons le contexte. Pourquoi un plan neige pour la région Auvergne Rhône-Alpes ? Si la question mérite d’être posée, la réponse est somme toute logique. La nouvelle région constituée est la première région de montagne de France puisque près de deux tiers du territoire se trouvent en zone de montagne et plus de 180 000 emplois sont directement liés à l’industrie de la neige. En sus, sur les douze départements qui composent la nouvelle région, onze comptent des domaines skiables. Dès lors, et comme l’a souligné Laurent Wauquiez dès sa très attendue prise de parole, « la région n’a pas le droit de tourner le dos à la montagne, au tourisme, au ski ». Elle se devait d’aider la montagne car « c’est une chance d’avoir sur notre territoire parmi les meilleures stations du monde ».
Déjà, et c’est à noter, le plan présenté le 3 mai dernier n’est que le premier acte d’un vaste plan dédié aux territoires de montagne et ne concerne que la neige, la neige de culture. Pour Laurent Wauquiez ce choix s’est imposé naturellement puisqu’il ne faut pas subir le changement climatique mais s’y adapter.
« Si nous faisons les bons choix, nous pouvons nous y adapter et y apporter les bonnes réponses. Si nous attendons et que nous subissons, nous aurons un sinistre économique sur notre territoire ». Qui plus est, et comme l’a souligné le président de la région, la France accuse aujourd’hui un sérieux retard en matière de superficie des domaines skiables couverte en neige de culture, comparativement à l’Autriche et même à l’Italie alors même que cette dernière était en recul par rapport à la France il y a encore quelques années. Il est clair que la neige de culture peut sauver ou tout du moins diminuer les pertes d’une saison délicate : les débuts d’hiver 2013/14 et 2014/15 en sont la preuve même si, pour produire de la neige, il faut du froid et que si le début d’hiver est trop doux…
Le premier moteur économique et touristique de la région est le ski, Auvergne Rhône-Alpes se devait donc d’encourager et de participer aux investissements liés à la neige. Car oui, ce plan est dans un premier temps principalement, voir exclusivement dédié à l’accompagnement d’investissements liés à la neige de culture en visant, en priorité, les zones stratégiques des stations.

Un plan en faveur de la neige de culture
Pour aider les stations de la région à s’équiper, à moderniser et à optimiser leur réseau de neige de culture, la région va lancer un vaste appel à projets sur l’intégralité de son mandat. Sur les six années d’exercice, Laurent Wauquiez souhaite engager deux cent millions d’euros de travaux. « L’idée est d’enclencher la dynamique et que la région entraîne avec elle l’ensemble des acteurs. Nous allons commencer cette année en allouant dix millions d’euros en faveur de la neige de culture. La neige de culture est l’assurance vie et l’assurance chômage de nos stations » a lancé Laurent Wauquiez, avant de préciser que « la région pourra financer jusqu’à un quart du projet ». Par ce plan, l’exécutif de la région Auvergne Rhône-Alpes souhaite lancer une dynamique nationale puisqu’il espère, à l’image du Plan Neige de Georges Pompidou, que l’Etat s’investisse aux côtés de la région et « prenne soin de la montagne ». Laurent Wauquiez espère également « qu’avec d’autres partenaires, nous arriverons à un cofinancement de 50 % des projets ». Jean-Pierre Barbier, président du conseil départemental de l’Isère, a immédiatement lancé que « l’Isère souhaite être en pleine synergie avec la région puisque les collectivités ne peuvent pas travailler chacune dans leur coin : il est nécessaire de travailler ensemble. L’Isère sera aux côtés des stations du département. Pour l’avenir de nos massifs, il faut de la neige de culture car pour le tourisme de montagne, la neige reste essentielle et le ski une locomotive. Quand la région allouera  un euro en faveur de la neige de culture, le département en fera de même ».
Pour autant, pas question de noyer les porteurs de projets sous de la paperasse inutile et chronophage ou de les perdre dans un processus administratif abracadabrantesque. Laurent Wauquiez souhaite une procédure simple, efficace et rapide. D’autant plus qu’il s’est fait fort d’annoncer que « la région se fera le grand ensemblier de tous les partenaires afin que les stations aient un interlocuteur unique dans leur démarche : un seul dossier qui sera commun ».
Mais le député-maire du Puy-en-Velay souhaite aller encore plus loin. Au cours des nombreuses consultations qu’il a mené avec différentes instances, nombreuses étaient les demandes allant dans la direction d’un délai d’instruction plus efficace des dossiers relatifs aux travaux en montagne et surtout une simplification des démarches. Dès lors, le président de la région a annoncé vouloir « s’associer aux services de l’Etat et aux préfets de région pour notamment faciliter les démarches relatives à la mise en œuvre de retenues collinaires afin d’avoir un délai d’instruction des dossiers plus rapide ».
Si le premier acte du plan neige concerne la neige de culture, il visera bien évidemment l’acquisition de nouveaux matériels, la réalisation ou l’optimisation de retenues collinaires sans oublier le volet réseau, usine à neige et canalisations. Le plan lancé par la région prévoit bien évidemment d’aider au financement de nouveaux réseaux mais également à l’optimisation ou au remplacement de l’existant. En effet, depuis les années 1990, les technologies ont énormément évolué, les températures de production ne sont plus les mêmes, les besoins en eau et en air non plus. En outre, aujourd’hui et face au défi du changement climatique, les domaines skiables disposent de fenêtre de production parfois restreintes : il faut produire beaucoup et en peu de temps. Le plan proposé par la région est, en outre, en totale adéquation avec le développement durable puisqu’il servira à financer des installations moins gourmandes en ressources énergétiques, plus efficaces et efficientes.

La neige de culture est l’assurance vie et l’assurance chômage de nos stations

Faisons taire les rumeurs infondées
Que ce soit dans la presse nationale ou locale, écrite ou télévisuelle, les critiques à l’encontre de la neige de culture fusent, souvent à tort ou sans réel fondement d’ailleurs. Que peut-on entendre ? « La neige de culture pèse sur les réserves d’eau et sur la biodiversité », « l’utilisation d’additifs chimiques destinés à favoriser la cristallisation engendre une pollution des sols »,
« les enneigeurs provoquent des nuisances sonores », « produire de la neige de culture nécessite une trop grande quantité d’eau ». Apportons une réponse sérieuse, vérifiée et somme toute honnête sur la neige de culture pour tenter de faire taire ces rumeurs infondées. Pour produire de la neige, il faut de l’eau et de l’air. Simplement ces deux éléments naturels, nulle question ici d’additif ou de produit chimique. Ensuite, avez-vous déjà rencontré quelqu’un se plaignant des nuisances sonores liées à la production de neige de culture ?
Quant à la quantité d’eau nécessaire à la production de neige, laissons la parole à Pierre Lestas. Pour le président de Domaines Skiables de France, la neige produite est restituée à la nature, donc l’eau prélevée, d’une forme ou d’une autre, retourne à ses origines. Mais pour répondre au faux débat sur la consommation en eau nécessaire à la production de neige, Pierre Lestas s’est appuyé sur des chiffres. « Les domaines skiables français utilisent chaque année vingt millions de mètres cube d’eau quand les piscines privées en utilisent de trente à quarante millions ». Nous pourrions également préciser que de la production de neige découle des retombées économiques puisque sans neige pas de ski, pas de touristes, pas de clients, pas de vente de forfaits, de cours de ski, de location de matériels, pas de personnel aux remontées mécaniques ou à tous les postes nécessaires au bon fonctionnement d’un domaine skiable. La production de neige de culture consomme moins d’eau que les piscines privées alors même qu’elle engendre des ressources économiques et sociales plus qu’importantes. Qu’en est-il des piscines privées ?
Certains opposent également neige de culture et développement durable mais, qu’en est-il concrètement ? Pour le président du Conseil départemental de l’Isère Jean-Pierre Barbier, « aujourd’hui, on ne parle plus que de l’environnement, on a dévoyé ce qu’est le développement durable. Pourtant, ce dernier est constitué de trois axes : le social, l’économie et l’environnement. Il faut qu’on arrive à remettre l’humain au centre de nos préoccupations, au centre de la montagne ». Et, la neige
de culture participera à n’en pas douter à mettre l’humain au centre puisque sans neige, pas de sports d’hiver, pas ou peu d’emplois…

Sans neige, ni ski ni emplois sécurisés
C’est somme toute logique : sans neige, pas de ski, pas de retombées économiques liées aux sports d’hiver, des pertes d’emplois, des pertes de recettes, des pertes d’attractivité, un déclin du tourisme montagnard. Lans-en-Vercors a conclu sa saison avec une perte de chiffre d’affaires de l’ordre de 45 % par rapport à la saison dernière. La raison ? Vingt mètres…la distance entre le front de neige non enneigé et le bas des pistes enneigées. Le domaine était exploitable mais la liaison entre le bas des pistes et le front de neige n’était pas effectuée. Vingt mètres qui séparent Lans-en-Vercors d’une saison quasi-normale d’une saison catastrophique. La station du Vercors ne dispose pas d’un réseau de neige de culture mais sait que son avenir doit passer par sa réalisation, d’autant plus que la sécurisation de la neige est un des chantiers du conseil municipal comme l’a rappelé Michaël Kraemer à l’occasion de son discours inaugural. « Ne nous le cachons pas, la neige de culture c’est onéreux entre l’acquisition de perches, la création d’une retenue collinaire et des réseaux, mais c’est le prix à payer pour garder nos emplois. A Lans-en-Vercors, c’est 250 emplois directs et indirects. Et quand on parle d’emplois, on parle aussi de famille et de garder les enfants au pays. Car, bon nombre ont un travail l’été, mais celui de l’hiver a une coloration particulière et sentimentale et, permet parfois de combler la précarité estivale » a tenu a rappeler très justement le maire de Lans-en-Vercors.
Pierre Lestas a également salué la démarche engagée par la région Auvergne Rhône-Alpes qui permettra à n’en pas douter de « fiabiliser nos réseaux de neige de culture des stations du territoire, de sécuriser notre économie et nos emplois », avant de rappeler qu’il était nécessaire de poursuivre la bataille contre l’aléa climatique menée depuis plus de 20 ans et, qui a notamment permis la création de réseau de neige de culture permettant à la France de devenir la première destination mondiale en matière de sports d’hiver et de l’être encore aujourd’hui.

Un plan en plusieurs actes
Laurent Wauquiez l’a précisé dès ses propos liminaires. Le plan en faveur de la neige de culture n’est que la base d’un vaste programme en faveur des territoires de montagne. En effet, la région compte poursuivre des actions en faveur de l’hébergement touristique pour « éviter de se faire gagner par les lits froids en relançant une politique en la matière sans oublier la réhabilitation des lits existants » selon les propos de Laurent Wauquiez. L’accès aux stations et aux domaines skiables sera également un axe de travail et de réflexion puisqu’avoir les plus beaux domaines skiables du monde c’est bien, pouvoir y accéder facilement, c’est mieux. Pour ce faire, la région va devoir s’associer aux départements ainsi qu’à certaines communautés de communes ou d’agglomérations qui disposent de compétences en la matière.
En sus, la région compte œuvrer en faveur de l’accès aux soins. Auvergne Rhône-Alpes compte réfléchir à comment faire venir sur les territoires de montagne des professionnels de la santé et, compte mettre en place une politique efficace en la matière afin de les attirer ou de les accompagner dans leur maintien en zone de montagne, de les aider à s’installer et à s’équiper. La grande région compte également s’investir en faveur de la montagne estivale et du tourisme d’été pour que la montagne quatre saisons deviennent une réalité. Enfin, Laurent Wauquiez n’a pas oublié les télécommunications et le développement de réseaux de téléphonie mobile. Pour ce faire, il compte rencontrer les différents opérateurs et leur proposer que la région finance les pylônes et que les opérateurs les équipent ensuite. « Si on arrive à mettre cela en place, il pourra y avoir un effet de démultiplication. Ce n’est pas gagné, mais nous allons tout faire pour remplir cet objectif » a-t-il souligné.

Quels partenaires pour suivre la région ?
Bien évidemment, les différents départements ont et vont être sollicités, à l’image de l’Isère qui a d’ores et déjà indiqué qu’il s’inscrirait dans la même démarche que la région en allouant un euro pour chaque euro versé par la région dans un projet en faveur de la neige de culture. Laurent Wauquiez a également évoqué la piste de la Caisse des Dépôts et Consignations, CDC. En effet, en mobilisant un milliard d’euros sur cinq ans pour renforcer l’attrait touristique de la France, la CDC peut et pourrait devenir un partenaire de choix, notamment en ce qui concerne l’accompagnement
financier de la rénovation des hébergements et la résolution de la problématique des lits froids. L’Etat français s’est fixé l’objectif d’accueillir cent millions de touristes étrangers à l’horizon 2020. Dès lors, l’hébergement touristique est une piste à privilégier pour y parvenir. En lançant au deuxième trimestre, en collaboration avec la Foncière des Régions, la foncière Développement Tourisme qui aura la vocation d’accroître les capacités d’hébergement au service du tourisme, la CDC a fait un pas de plus en faveur du tourisme. Dotée d’un capital initial de cent millions d’euros, la foncière ouvrira ensuite son capital à d’autres investisseurs avec pour objectif une levée de cinq cent millions d’euros.
N’oublions pas non plus que le 2 octobre dernier la CDC, le Crédit Agricole des Savoie, le Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes, la Banque Populaire des Alpes et la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes ont officialisé la création de la Foncière Hôtelière des Alpes dont l’objectif est de soutenir l’hôtellerie des stations de la Savoie, de la Haute-Savoie et de l’Isère en contribuant à créer 1 500 à 2 000 lits chauds à l’horizon de cinq ans. Laurent Wauquiez l’a très bien souligné à l’occasion de la présentation du plan neige-stations, la montagne est l’affaire de tous et, il est nécessaire que l’ensemble des acteurs se mobilise pour qu’elle conserve sa superbe et son attractivité.

En guise de conclusion, laissons la parole à Gilles Chabert, conseiller spécial montagne de la région Auvergne Rhône-Alpes. « Le plan neige que nous portons est vital pour continuer à faire skier chez nous des clients du monde entier. Ce qui nous anime, c’est ce qui se passe aujourd’hui et ce que nous allons faire aujourd’hui. Il est nécessaire de dire ce que l’on fait et de faire ce que l’on dit ». Tout est dit…

© G. Buffard