Alexandre Maulin, Président de Domaines skiables de France
La saison 2023-2024 est une saison de paradoxes. La commenter est un exercice difficile. Je remercie Montagne Leaders d’offrir à son traditionnel dossier de l’automne un nombre de pages qui permet à chacun d’appréhender la situation dans toutes ses nuances et de s’approprier les chiffres et d’en tirer des enseignements utiles.
Les formats longs de la presse écrite sont plus que jamais indispensables, dans un monde où les réseaux sociaux créent un filtre déformant sur la réalité.
Le bilan de la saison 2023-2024 sur les domaines skiables révèle une fréquentation nationale en hausse, avec de très fortes disparités entre les massifs et les stations.
Le bilan climatique de l’hiver 2024 dressé par Météo France révèle que c’est le troisième hiver le plus doux enregistré en France, avec une température moyenne supérieure de 2°C à la moyenne 1991-2020. Autre condition défavorable pour le manteau neigeux en basse et moyenne altitude : la pluviométrie a été largement excédentaire (+10%) notamment sur les Alpes (+20%) sauf dans le Languedoc-Roussillon (-25%) et la Corse (-40%).
Maintenir les pistes ouvertes sur un hiver comme celui-ci, c’est le défi auquel les domaines skiables se préparent depuis trente ans. Et malgré les conditions météorologiques éprouvantes, les dameurs et nivoculteurs ont su mettre à profit les courtes périodes plus froides pour produire et consolider la neige sur les pistes, entre deux périodes de douceur. La compétence, la préparation, et les équipements performants sont les clés qui auront le plus souvent permis de proposer à la clientèle des pistes ouvertes et sûres. Preuve de l’extraordinaire travail réalisé : en basse altitude, les pistes maintenues ouvertes l’étaient au milieu d’alpages nus. En haute altitude, l’enneigement était très excédentaire.
Les Alpes ont pu maintenir de meilleur taux d’ouverture sur les pistes que les autres massifs : la fréquentation des domaines skiables progresse dans pratiquement tous les départements des Alpes, aussi bien quand on se compare à l’an dernier que quand on se compare à la moyenne des quatre dernières saisons. C’est particulièrement le cas de la Savoie, qui réalise la plus forte progression.
A contrario, les Pyrénées, le Massif Central, et plus encore les massifs des Vosges et du Jura sont en net recul. Partout, le savoir-faire des hommes et des femmes des services de pistes aura permis de réduire les conséquences d’un manque de neige comme ces massifs n’en avaient pas connu depuis au moins quarante ans.
La plus grande leçon de l’hiver, c’est de voir la demande pour le ski se maintenir malgré un enneigement globalement déficitaire. Même en basse altitude, dès lors que les pistes étaient ouvertes, la clientèle répondait présent.
Le marché demeure donc porteur, mais pour certaines stations c’est la deuxième mauvaise saison d’affilée, et leur questionnement autour du modèle économique se fait plus fort.
Telle est la complexité d’une saison 2023-2024 tout à fait hors-norme.