P113 : HOKA HULTRA TRAIL DU MONT-BLANC / P115 : GRAND RAID DES PYRÉNÉES / P117 : ULTRA TOUR DES 4 MASSIFS
Le secteur, qui connait un succès retentissant, est en voie vers une plus grande maturité, recherchant l’équilibre entre professionnalisation et sauvegarde de l’esprit originel.
Un arrêté de 2022 a donné à la Fédération française d’athlétisme (FFA) la charge d’encadrer le » trail running « , regroupant les anciennes » courses en milieu naturel » et » courses en montagne « , d’organiser les compétitions nationales et d’encadrer les équipes de France. Cette discipline, qui selon la définition de la FFA consiste à courir sur un sentier, suscite un engouement certain, décuplé depuis le Covid et la volonté collective de parcourir les espaces naturels. La notion de dénivelé n’est pas présente et des courses sur les littoraux, cross longue distance sur tous terrains en font partie, » mais le trail est symboliquement connecté à la montagne, vers laquelle les pratiquants orientent majoritairement leur saison « , reconnaît Adrien Tarenne, responsable du développement des pratiques Jeunes, Forme-Santé, Running à la FFA. Cette multiplication des adeptes et des évènements, dans des environnements parfois difficiles et isolés, encourage la structuration des organisateurs, qui doivent dans le même temps veiller à ne pas y perdre leur âme.
Professionnalisation fluide
Des championnats du monde de trail ont commencé à s’organiser dans les années 2000. La médiatisation a été bien perçue par la communauté des traileurs et la FFA a mis sur pied une équipe de France entourée de tout un staff. En parallèle, le circuit Trail Tour National (TTN) est né, afin de désigner un champion de France et de réunir les traileurs au sein de courses organisées. Ce système a vite permis de dégager les meilleurs en conservant la masse des athlètes participant à tous ces évènements, et a concouru à la notoriété hexagonale dans l’organisation du trail international. » La FFA et la France ont été sollicitées par le monde entier sur cette compétence d’organisation et d’encadrement de compétitions « , déclare Adrien Tarenne, d’autant plus que le pays constitue un terrain de jeu d’exception. En 2013, la FFA a ramené l’organisation des championnats de France sur un jour. Puis, en 2015, les championnats du monde ont eu lieu à Annecy. Le parcours de la MaXi-Race du lac d’Annecy est devenu symbolique de l’image montagne du trail. La tenue de championnats d’Europe a ensuite ajouté de la cohérence. Les organisateurs ont pris l’habitude de se rapprocher de la fédération pour déclarer leur évènement. Ils reçoivent un avis technique d’une Commission départementale running et demandent une autorisation à la collectivité ou la préfecture. Leurs approches se sont rodées avec le temps. » Mon père Michel a été à l’initiative de la création de l’International trail running association (ITRA) et a contribué à des règlements, désormais portés par la FFA, sur la sécurisation, les plans de secours, le nombre d’intervenants idéal… Nous faisons maintenant partie du collectif France Outdoor, qui regroupe les évènements sur le territoire tricolore « , retrace Isabelle Poletti, directrice de l’HOKA UTMB Mont-Blanc. Ce groupement a formulé des préconisations durant le Covid et travaille actuellement sur la gestion de crise météo ou sur les bonnes pratiques dans les espaces protégés.
Transition et esprit originel
Cette évolution vers un sport de masse à l’offre plus lisible et aux contraintes de sécurité et de sûreté renforcées, notamment après les attentats de 2015, ont conduit à une hausse des budgets, rappelée par Denis Verkin, président de l’association Majuschule, organisatrice du Grand Raid des Pyrénées : » Nous faisons en sorte d’éviter une catastrophe industrielle, même si nous sommes limités par le nombre de bénévoles, la dimension administrative plus pesante, la pression environnementale pour limiter l’impact « . Le GRP n’a pas de masse salariale mais l’effort de structuration est obligatoire, ne serait-ce que pour pallier les mauvaises surprises : » Nous avons découvert en juillet que le ministère de l’Intérieur avait pris un arrêté interdisant la circulation sur certaines routes départementales. Il a fallu trouver une solution « , illustre le président. Pour autant, les équipes du GRP n’envisagent pas d’intégrer une structure commerciale, » qui ne collerait pas à la philosophie de l’évènement. Janet Nguyen, la présidente de l’ITRA présente la dernière fois, a reconnu que nous avions gardé l’esprit du trail originel. Nous ne pouvions recevoir meilleur compliment « . La discipline devenant populaire, les courants de pensée, leaders et influenceurs se multipliant, bien malin celui qui pourra définir l’« esprit trail », même si les valeurs d’entraide entre pratiquants, le respect de l’environnement et l’attirance pour la montagne sont évoqués. D’autres organisateurs optent pour la professionnalisation afin d’accompagner la hausse de niveau des pratiquants, préparés par des clubs, coachs et applis. » Les vrais enjeux tiennent à la rationalisation du calendrier, demandée par les athlètes, pour éviter le télescopage entre championnats et évènements privés ou institutionnels « , explique Adrien Tarenne à la FFA, qui entend défendre la pluralité de courses pour garder cet esprit. » Le trail évolue, il est en pleine transition comme de grands sports avant lui, tels que la course sur route, le vélo… Nous devons œuvrer pour que la diversité d’évènements persiste, avec des circuits internationaux, d’autres populaires, des épreuves locales intimistes « , soutient Isabelle Poletti. La question se reposera à l’avenir pour un sport qui pourrait devenir olympique. L’UTMB ou le Golden trail series médiatisent et produisent des images, mais, pour reprendre l’exemple du VTT, entré dans la course aux médailles, ou du ski-alpinisme, en train de le faire, » cela pourrait passer par des parcours plus artificialisés et normés, critiqués par les puristes, mais plus ludiques et (télé)visuels « , anticipe Adrien Tarenne. Un débat qui ne manquera pas de survenir.