Animée par Armelle Solelhac, qui cite la personnalisation de masse comme essentielle pour l’avenir du tourisme, cette table ronde invitait trois professionnels à témoigner de leurs usages des datas touristiques.
Si chaque destination touristique dispose d’un potentiel de données clients, encore faut-il savoir les manipuler et avec quels objectifs ? La question du temps à consacrer à la modélisation de ces datas est importante, mais pour Pierre-Louis Buraux (Apollo Plus), le travail de segmentation (géographique, distance domicile/travail, famille…) est primordial. L’analyse de certains paramètres permet d’anticiper les comportements de la clientèle comme le moment du départ, les prix critiques (particulièrement utiles dans un contexte inflationniste), ou le panier moyen. Pour Kelly Pawlak, la présidente de la NSAA, l’observation des datas permet à la fois de révéler des points noirs dans le parcours client et de se donner les moyens de les résoudre. En Suisse, après le lancement réussi d’un forfait commun destiné à résoudre la perte de clients, Sébastien Traveletti (Magic Mountain Coopération) évoque désormais une stratégie de volume, combinée à un objectif : maintenir le revenu moyen par visite. Le Magic Pass a permis d’accroître le nombre de journées skiées, et donc de dépenses associées une fois en station. Le défi consiste à inciter les détenteurs du Magic Pass (dont 80 % achetés en ligne) à renouveler leur sésame pour retourner arpenter les montagnes suisses l’année suivante.
Le levier de l’émotion client
Mais dans cette économie de masse, les représentants du marché américain et suisse s’accordent sur l’utilité des datas combinées aux réseaux sociaux pour créer les passerelles entre de petits domaines skiables, à proximité des bassins urbains, et les destinations plus importantes, deux typologies de stations qui séduisent une nouvelle génération de skieurs, plus enclins au changement et à la découverte.
Mais travailler la data permet aussi de déceler des tendances de consommation bien plus nuancées qu’un phénomène comme l’inflation. Sur ce sujet, Kelly Pawlak cite les milliers de sondages menés auprès des clients qui révèlent que les NPS (net promoter scores, qui évaluent la probabilité de recommandation d’une marque, d’un produit ou d’un service) sont basés sur les émotions, ce qui relève de l’expérience personnelle, tout comme 70 % de nos pensées et décisions. Le recours aux datas permet donc de réaliser ce travail crucial qu’est la satisfaction client. C’est aussi sur cette base émotionnelle que repose pour partie le développement de la communauté de fans du Magic Pass : Sébastien Traveletti souligne l’évolution du dialogue avec la clientèle, qui vise désormais l’amélioration d’un produit qui semble appartenir autant aux clients qu’à son opérateur, Magic Mountain Coopération.
Une source de communication
Mentionnant l’exemple d’une station du Massachusetts qui communique ses hauteurs de neige en temps réel grâce aux acquisitions de données GPS, Kelly Pawlak révèle un autre potentiel des datas, celui de la communication. La dirigeante américaine évoque leur emploi pour démystifier fake news ou simples idées reçues en livrant des données factuelles. La NSAA communique ainsi sur la croissance de l’industrie et du nombre de visiteurs en station pour contrer les propos sur la fin du modèle du ski.
Interrogés par l’auditoire sur le sourcing des datas, hormis celles associées aux forfaits de ski, les intervenants ont conclu en citant les données issues de la téléphonie mobile – notamment pour quantifier des phénomènes jusqu’alors difficiles à évaluer, comme les nuitées de résidents secondaires – ou encore les données de transactions, qui doivent être corrélées (timing d’achat, Google Trends, conditions météo…) pour fournir une analyse pertinente et valorisable.