S’appuyant sur les résultats de deux études de suivi des oiseaux, les chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle et du CNRS arrivent au même constat : les oiseaux des campagnes françaises disparaissent à une vitesse vertigineuse.
Grâce à des ornithologues amateurs et professionnels qui identifient et comptent les oiseaux sur tout le territoire métropolitain, le programme Suivi Temporel des Oiseaux Communs (STOC) produit des indicateurs annuels sur l’abondance des espèces dans différents habitats (forêt, ville, campagne, etc.). Les relevés effectués en milieu rural mettent en évidence une diminution des populations d’oiseaux vivant en milieu agricole depuis les années 1990. Et les chiffres montrent que ce déclin s’est encore intensifié en 2016 et 2017.
Ces résultats nationaux sont confirmés par une seconde étude menée à une échelle locale sur la Zone atelier « Plaine & Val de Sèvre » portée par le CNRS. En 23 ans, toutes les espèces d’oiseaux de plaine ont vu leurs populations fondre. Ce déclin frappe toutes les espèces d’oiseaux en milieu agricole, aussi bien les espèces dites spécialistes – fréquentant prioritairement ce milieu – que les espèces dites généralistes – retrouvées dans tous les types d’habitats, agricoles ou non. Or d’après le STOC, les espèces généralistes ne déclinent pas à l’échelle nationale ; la diminution constatée est donc propre au milieu agricole.
Cette disparition massive observée à différentes échelles est concomitante à l’intensification des pratiques agricoles ces 25 dernières années, plus particulièrement depuis 2008-2009. Une période qui correspond entre autres à la fin des jachères imposées par la politique agricole commune, à la reprise du sur-amendement au nitrate sur le blé et à la généralisation des néonicotinoïdes, insecticides neurotoxiques très persistants.
Ces études, menées toutes deux sur une vingtaine d’années et à des échelles spatiales différentes, révèlent l’ampleur du phénomène : le déclin des oiseaux en milieu agricole s’accélère. En 2018, de nombreuses régions de plaines céréalières pourraient connaître un printemps silencieux – Silent spring – annoncé par l’écologue américaine Rachel Carson il y a 55 ans à propos du DDT, interdit en France depuis plus de 45 ans. Si cette situation n’est pas encore irréversible, il devient urgent de travailler avec tous les acteurs du monde agricole pour accélérer les changements de pratiques.