Aménagement - Investir pour l’hiver en pensant à l’été

« Depuis quelques années, un effort est fait pour que les investissements mis dans le ski puissent profiter également aux activités estivales », constate Pierre-Emmanuel Danger, responsable du bureau d’études Alterespaces. Par exemple, on ne conçoit plus un espace aquatique sans piscine extérieure ou découvrable. Mais c’est vrai aussi pour des équipements plus techniques comme les retenues collinaires ou certaines remontées mécaniques. Les bureaux d’études que nous avons interrogés confirment cette tendance que le réchauffement climatique a rendue incontournable.

Trop riches. Ce pourrait être pourquoi, pendant longtemps, les exploitants de stations de ski en France ne se sont soucié que du ski et se sont peu intéressé aux « marchés de demain ». C’est en tout cas ce que suggère Harold Klinger, le directeur du bureau d’études ATM. Selon lui, ce n’est que depuis qu’ils ont pris conscience des menaces qui planent sur leur modèle économique qu’ils se sont décidés à se pencher sérieusement sur les activités d’hiver autres que le ski et même, depuis quelques années, sur les activités d’été.
Pour Damien Lafaverges, qui dirige le bureau d’études Abest, le tournant est tel que la prise en compte des activités estivales dans les stations de sports d’hiver est devenue une composante intégrante de tous les projets, au même titre que des obligations légales comme les études d’impact environnemental.
Certains s’en préoccupent d’ailleurs depuis longtemps. Le directeur d’Abest se souvient d’un dossier de retenue collinaire il y a plus de vingt ans, à La Norma : « Le cahier des charges du client demandait déjà à ce que le plan d’eau puisse servir de lieu de détente en été. » « Mais depuis trois ans, poursuit-il, on n’attend plus que le client soit demandeur, on propose systématiquement une utilisation d’été. »
C’est ce qu’a fait ATM lorsque la commune de Crévoux, dans les Hautes-Alpes, l’a sollicité pour donner un coup de jeune à son foyer de ski de fond. « Initialement, ils voulaient seulement améliorer les conditions d’accueil du public, réaménager la salle hors-sac et créer un local de stockage. Nous avons réfléchi pour qu’en période estivale, le bâtiment puisse
accueillir des groupes, qu’un point d’information soit prévu pour présenter les activités d’été et qu’on puisse installer une location de VTT et vélos électriques afin de profiter de la route militaire qui monte au col du Parpaillon 
», raconte Harold Klinger. La suggestion a été acceptée, elle représentait moins de 10% de surcoût. Comme il était prévu d’améliorer l’état de la route militaire pour le ski de fond, cela a semblé judicieux de rentabiliser l’investissement en en faisant un spot de VTT.

Territoire élargi

Toujours dans les Hautes-Alpes, la station de ski des Orres s’est lancé un défi encore plus ambitieux : devenir une destination d’été à part entière. Associée à cinq autres communes, elle a monté un dossier dans le cadre du programme gouvernemental Territoire d’innovation de grande ambition (TIGA). Elle pense notamment pouvoir profiter de la multiplicité des sites aquatiques dans la région (espace aqualudique d’Embrun, lac de Serre-Ponçon…).
Louis Guily, le PDG du bureau d’études Dianeige, partage cette idée de territoire élargi pour séduire les estivants. « L’été, il ne faut pas raisonner “station” », estime-t-il. « Les touristes sont bien plus mobiles que l’hiver. Les stations proposent beaucoup d’hébergements, mais il faut les envisager comme des centres autour desquels se développe toute une offre d’activités. » Il va plus loin en affirmant : « La mobilité est cruciale pour notre développement touristique. Il faut que le territoire soit facile à parcourir. La question est : où est-ce qu’on arrête les voitures et où les moyens de mobilité douce prennent-ils le relais ? » Les ascenseurs valléens lui semblent une bonne option. Il prend l’exemple de Brides-les-Bains qui a connu une vraie métamorphose grâce à une remontée mécanique « qui semblait folle au départ ».
Mais plus on étend le territoire, plus se posent des problèmes de cohérence et de gouvernance. Or, il n’est déjà pas simple, à l’heure actuelle, de coordonner tous les efforts dans une même station.

Retrouvez l’ensemble de l’article dans le Montagne Leaders N°269