Interview : Agnès Pannier-Runacher Ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie

Contactée en tant que secrétaire d’État à l’Économie, voici l’interview de la nouvelle ministre déléguée à l’Industrie, installée lors du récent remaniement gouvernemental.

La saison hivernale touristique écourtée par les mesures sanitaires indispensables a entraîné une perte estimée à 1,5 milliard d’euros pour l’économie des territoires de montagne.
Le tourisme est-il parmi les secteurs économiques qui ont le plus été impactés par cette crise ?

Comme vous le savez, mon passé professionnel m’oblige à faire un pas de côté sur ce sujet en tant que membre du gouvernement. Ceci étant dit, le tourisme fait aujourd’hui probablement face à la pire épreuve de son histoire moderne. Un chiffre est éloquent : pendant le confinement 95 % des hôtels ont été fermés. Or le tourisme, c’est 2 millions d’emplois en France et 8 % de notre richesse nationale. C’est pour cette raison que le Premier ministre a annoncé le 14 mai dernier un plan de 18 milliards d’euros en faveur de ce secteur. C’est un plan massif et puissant qui prévoit notamment la prolongation du Fonds de solidarité jusqu’à la fin de l’année pour les entreprises de moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires, l’exonération de cotisations sociales pour plusieurs mois et la mise en place d’un prêt « saison » garanti par l’État. Il prévoit également 3 milliards d’euros d’investissements pour accompagner la reprise et la transformation du secteur, qui doit être compétitive, écologique et numérique.
 
Comment sera-t-il possible de relancer cette économie vitale sur certains territoires ? L’envie de consommer des Français, seule, suffira-t-elle à redresser ce secteur ?
Le tourisme est un secteur pour lequel les échanges internationaux sont un vecteur de croissance important. Si l’envie de tourisme des Français est bienvenue, elle n’est pas suffisante.
C’est pourquoi, une condition importante pour la reprise du secteur, notamment en montagne, c’est la réouverture des frontières. Les stations doivent anticiper le retour des touristes, surtout européens et britanniques. Mais elles doivent être proactives et agiles : nos concurrents ne nous attendront pas !

Vous connaissez l’économie des stations pour avoir évolué au sein de la Compagnie des Alpes pendant plusieurs années : quels sont les atouts des territoires de montagne pour rebondir ?
Aujourd’hui, il y a une forte aspiration des Français et des touristes européens à la naturalité. Or, la montagne française, c’est un patrimoine naturel exceptionnel et sécurisé unique au monde, qui s’adresse aux grands comme aux petits. C’est aux stations et aux acteurs du secteur de cultiver leurs avantages concurrentiels et d’être toujours plus innovants tant en termes de diversité de leurs offres que de qualité des prestations.
 
Beaucoup ont prédit une révolution des modèles existants à l’issue de cette crise. L’économie touristique en montagne doit-elle aussi repenser son modèle ?
La crise doit être l’occasion de se réinventer. L’économie touristique en montagne forme un tout, elle doit trouver une dynamique collective pour relever les défis à venir. Un des axes prioritaires est de construire des parcours clients intégrés et cohérents dans des stations qui sont des mosaïques de services et d’intervenants. Il est important de personnaliser les offres et de retravailler la qualité de l’hébergement. Il nous faut une montée en gamme qui ne soit pas une « premiumisation », mais la recherche de plus d’accueil, plus de confort, plus de services et plus de responsabilité environnementale. Nous avons aussi un atout exceptionnel : l’accès au plus grand domaine skiable du monde.
 
En novembre, Domaines skiables de France appelait à la mobilisation pour la préservation de la montagne française. Comment intégrer cette dimension environnementale à l’heure de la relance économique ?
C’est l’autre axe sur lequel la montagne française doit prendre le tournant ! Cet axe, il est primordial et je sais que de nombreux grands acteurs le partagent. Il est nécessaire aujourd’hui d’anticiper les changements climatiques dans les aménagements de la montagne et dans la relance du secteur. Cela veut dire avoir des engagements zéro émission carbone, protéger et développer la biodiversité, travailler sur le recyclage pour réduire l’empreinte environnementale. Pour prendre un exemple très simple, investir partout dans la neige de culture est une solution de facilité à court terme. Je pense aussi à l’enjeu de la rénovation du bâti existant et sa transformation, plutôt que la multiplication de nouvelles structures. L’enjeu est de trouver des solutions véritablement durables et garantes de croissance.
 
Tandis que la stratégie de déploiement de la 5G fait débat, la montagne compte encore de nombreux territoires en zones blanches, ou ne disposant ni de la 4G ni de la fibre. Comment combler ce retard ?
C’est un sujet qui est une priorité du Gouvernement et je sais que le Président de la République y est très attaché. Dès le début du quinquennat, nous avons lancé le plan Très Haut Débit avec les opérateurs et les collectivités territoriales afin que tous aient accès à la 4G et à la fibre et pour mettre fin aux zones blanches. Chaque jour ouvré, plus de 15 000 locaux sont raccordés au réseau France Très Haut Débit, c’est une vraie réussite industrielle.
C’est aussi un enjeu d’équité territoriale et nous avons mis en place un guichet « cohésion numérique » pour accompagner l’équipement des foyers en solutions de réceptions hertziennes dans les zones mal couvertes par les réseaux filaires. Et les résultats sont au rendez-vous puisque l’observatoire de suivi de l’ARCEP a validé que le jalon intermédiaire de « bon haut débit pour tous » sera atteint fin 2020. L’objectif du « très haut débit pour tous » à horizon fin 2022 est ambitieux, mais tous les moyens nécessaires seront mobilisés pour parvenir à sa réalisation. Cela permettra aux industries de montagne de s’emparer pleinement des innovations numériques pour digitaliser le parcours client.

Opérateurs de domaine skiable, collectivités, fournisseurs, immobilier : la crise impacte fortement les investissements en faveur des destinations touristiques. La destination France sera-t-elle toujours concurrentielle ?
La crise impacte tous les acteurs de l’Union européenne du tourisme en montagne : l’Italie, l’Autriche, la Suisse. La fermeture des frontières les concerne tous. La France doit donc jouer à fond ses avantages. La chance de notre pays, c’est que la clientèle domestique y est plus forte que dans les autres pays.
L’industrie du tourisme en montagne sera donc moins impactée que celle de pays qui dépendent davantage de la clientèle étrangère, souvent originaire hors de l’Union européenne.
Cette compétitivité, nous devons la renforcer grâce au plan Tourisme et aux investissements qui seront faits par la Banque des Territoires et BPI France. Le risque dans la période de crise que nous traversons, c’est que les acteurs publics ou privés diminuent leurs investissements pour parer au plus pressé, alors qu’au contraire il faut investir pour créer de la croissance future. Je pense notamment à la digitalisation : dans les prochaines semaines, nous mettrons en place un accompagnement renforcé pour les TPE-PME qui souhaitent engager ou accélérer leur transition numérique.

Dans ce contexte concurrentiel, les porteurs de projet se débattent dans des cadres juridiques complexes, dont ceux des DSP ou des UTN. Ces process pourraient-ils être simplifiés pour gagner en compétitivité ?
Sans rentrer dans le détail des process que vous évoquez, la simplification est un facteur de compétitivité important pour notre économie, dans un monde toujours plus concurrentiel. Simplifier la vie des acteurs économiques pour leur permettre d’aller plus vite et d’être meilleurs, dans le respect des normes environnementales et sociales. C’est un projet fort porté par ce gouvernement et il porte ses fruits : en 2019, la France est devenu le pays le plus attractif d’Europe pour les investisseurs internationaux. Simplifier, cela permet aussi de redonner au terrain la capacité de décider : c’est décider au plus près et donc mieux, sans jamais renier nos ambitions sociales et environnementales.

Voilà plusieurs éditions que le salon de l’économie touristique de montagne, Mountain Planet, regrette l’absence de représentants du gouvernement : la profession peut-elle espérer une visite en 2022 ?
C’est un salon important qui a fait ses preuves et qui est reconnu. Il permet de faire rayonner à l’international la France et sa montagne, ses équipements, ses services et son offre de tourisme. Il montre à tous que nous avons un potentiel très fort, avec de belles ETI qui peuvent et doivent se développer à l’international. Ce qui est certain, c’est que vous pouvez compter sur mon soutien !

Interview : Agnès Pannier-Runacher Ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. © Gezelin GREE - Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance

propos recueillis par Mickaël frottier

La saison hivernale touristique écourtée par les mesures sanitaires indispensables a entraîné une perte estimée à 1,5 milliard d’euros pour l’économie des territoires de montagne.
Le tourisme est-il parmi les secteurs économiques qui ont le plus été impactés par cette crise ?

Comme vous le savez, mon passé professionnel m’oblige à faire un pas de côté sur ce sujet en tant que membre du gouvernement. Ceci étant dit, le tourisme fait aujourd’hui probablement face à la pire épreuve de son histoire moderne. Un chiffre est éloquent : pendant le confinement 95 % des hôtels ont été fermés. Or le tourisme, c’est 2 millions d’emplois en France et 8 % de notre richesse nationale. C’est pour cette raison que le Premier ministre a annoncé le 14 mai dernier un plan de 18 milliards d’euros en faveur de ce secteur. C’est un plan massif et puissant qui prévoit notamment la prolongation du Fonds de solidarité jusqu’à la fin de l’année pour les entreprises de moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires, l’exonération de cotisations sociales pour plusieurs mois et la mise en place d’un prêt « saison » garanti par l’État. Il prévoit également 3 milliards d’euros d’investissements pour accompagner la reprise et la transformation du secteur, qui doit être compétitive, écologique et numérique.
 
Comment sera-t-il possible de relancer cette économie vitale sur certains territoires ? L’envie de consommer des Français, seule, suffira-t-elle à redresser ce secteur ?
Le tourisme est un secteur pour lequel les échanges internationaux sont un vecteur de croissance important. Si l’envie de tourisme des Français est bienvenue, elle n’est pas suffisante.
C’est pourquoi, une condition importante pour la reprise du secteur, notamment en montagne, c’est la réouverture des frontières. Les stations doivent anticiper le retour des touristes, surtout européens et britanniques. Mais elles doivent être proactives et agiles : nos concurrents ne nous attendront pas !

Vous connaissez l’économie des stations pour avoir évolué au sein de la Compagnie des Alpes pendant plusieurs années : quels sont les atouts des territoires de montagne pour rebondir ?
Aujourd’hui, il y a une forte aspiration des Français et des touristes européens à la naturalité. Or, la montagne française, c’est un patrimoine naturel exceptionnel et sécurisé unique au monde, qui s’adresse aux grands comme aux petits. C’est aux stations et aux acteurs du secteur de cultiver leurs avantages concurrentiels et d’être toujours plus innovants tant en termes de diversité de leurs offres que de qualité des prestations.
 
Beaucoup ont prédit une révolution des modèles existants à l’issue de cette crise. L’économie touristique en montagne doit-elle aussi repenser son modèle ?
La crise doit être l’occasion de se réinventer. L’économie touristique en montagne forme un tout, elle doit trouver une dynamique collective pour relever les défis à venir. Un des axes prioritaires est de construire des parcours clients intégrés et cohérents dans des stations qui sont des mosaïques de services et d’intervenants. Il est important de personnaliser les offres et de retravailler la qualité de l’hébergement. Il nous faut une montée en gamme qui ne soit pas une « premiumisation », mais la recherche de plus d’accueil, plus de confort, plus de services et plus de responsabilité environnementale. Nous avons aussi un atout exceptionnel : l’accès au plus grand domaine skiable du monde.
 
En novembre, Domaines skiables de France appelait à la mobilisation pour la préservation de la montagne française. Comment intégrer cette dimension environnementale à l’heure de la relance économique ?
C’est l’autre axe sur lequel la montagne française doit prendre le tournant ! Cet axe, il est primordial et je sais que de nombreux grands acteurs le partagent. Il est nécessaire aujourd’hui d’anticiper les changements climatiques dans les aménagements de la montagne et dans la relance du secteur. Cela veut dire avoir des engagements zéro émission carbone, protéger et développer la biodiversité, travailler sur le recyclage pour réduire l’empreinte environnementale. Pour prendre un exemple très simple, investir partout dans la neige de culture est une solution de facilité à court terme. Je pense aussi à l’enjeu de la rénovation du bâti existant et sa transformation, plutôt que la multiplication de nouvelles structures. L’enjeu est de trouver des solutions véritablement durables et garantes de croissance.
 
Tandis que la stratégie de déploiement de la 5G fait débat, la montagne compte encore de nombreux territoires en zones blanches, ou ne disposant ni de la 4G ni de la fibre. Comment combler ce retard ?
C’est un sujet qui est une priorité du Gouvernement et je sais que le Président de la République y est très attaché. Dès le début du quinquennat, nous avons lancé le plan Très Haut Débit avec les opérateurs et les collectivités territoriales afin que tous aient accès à la 4G et à la fibre et pour mettre fin aux zones blanches. Chaque jour ouvré, plus de 15 000 locaux sont raccordés au réseau France Très Haut Débit, c’est une vraie réussite industrielle.
C’est aussi un enjeu d’équité territoriale et nous avons mis en place un guichet « cohésion numérique » pour accompagner l’équipement des foyers en solutions de réceptions hertziennes dans les zones mal couvertes par les réseaux filaires. Et les résultats sont au rendez-vous puisque l’observatoire de suivi de l’ARCEP a validé que le jalon intermédiaire de « bon haut débit pour tous » sera atteint fin 2020. L’objectif du « très haut débit pour tous » à horizon fin 2022 est ambitieux, mais tous les moyens nécessaires seront mobilisés pour parvenir à sa réalisation. Cela permettra aux industries de montagne de s’emparer pleinement des innovations numériques pour digitaliser le parcours client.

Opérateurs de domaine skiable, collectivités, fournisseurs, immobilier : la crise impacte fortement les investissements en faveur des destinations touristiques. La destination France sera-t-elle toujours concurrentielle ?
La crise impacte tous les acteurs de l’Union européenne du tourisme en montagne : l’Italie, l’Autriche, la Suisse. La fermeture des frontières les concerne tous. La France doit donc jouer à fond ses avantages. La chance de notre pays, c’est que la clientèle domestique y est plus forte que dans les autres pays.
L’industrie du tourisme en montagne sera donc moins impactée que celle de pays qui dépendent davantage de la clientèle étrangère, souvent originaire hors de l’Union européenne.
Cette compétitivité, nous devons la renforcer grâce au plan Tourisme et aux investissements qui seront faits par la Banque des Territoires et BPI France. Le risque dans la période de crise que nous traversons, c’est que les acteurs publics ou privés diminuent leurs investissements pour parer au plus pressé, alors qu’au contraire il faut investir pour créer de la croissance future. Je pense notamment à la digitalisation : dans les prochaines semaines, nous mettrons en place un accompagnement renforcé pour les TPE-PME qui souhaitent engager ou accélérer leur transition numérique.

Dans ce contexte concurrentiel, les porteurs de projet se débattent dans des cadres juridiques complexes, dont ceux des DSP ou des UTN. Ces process pourraient-ils être simplifiés pour gagner en compétitivité ?
Sans rentrer dans le détail des process que vous évoquez, la simplification est un facteur de compétitivité important pour notre économie, dans un monde toujours plus concurrentiel. Simplifier la vie des acteurs économiques pour leur permettre d’aller plus vite et d’être meilleurs, dans le respect des normes environnementales et sociales. C’est un projet fort porté par ce gouvernement et il porte ses fruits : en 2019, la France est devenu le pays le plus attractif d’Europe pour les investisseurs internationaux. Simplifier, cela permet aussi de redonner au terrain la capacité de décider : c’est décider au plus près et donc mieux, sans jamais renier nos ambitions sociales et environnementales.

Voilà plusieurs éditions que le salon de l’économie touristique de montagne, Mountain Planet, regrette l’absence de représentants du gouvernement : la profession peut-elle espérer une visite en 2022 ?
C’est un salon important qui a fait ses preuves et qui est reconnu. Il permet de faire rayonner à l’international la France et sa montagne, ses équipements, ses services et son offre de tourisme. Il montre à tous que nous avons un potentiel très fort, avec de belles ETI qui peuvent et doivent se développer à l’international. Ce qui est certain, c’est que vous pouvez compter sur mon soutien !

Interview : Agnès Pannier-Runacher Ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. © Gezelin GREE - Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance

propos recueillis par Mickaël frottier

La saison hivernale touristique écourtée par les mesures sanitaires indispensables a entraîné une perte estimée à 1,5 milliard d’euros pour l’économie des territoires de montagne.
Le tourisme est-il parmi les secteurs économiques qui ont le plus été impactés par cette crise ?

Comme vous le savez, mon passé professionnel m’oblige à faire un pas de côté sur ce sujet en tant que membre du gouvernement. Ceci étant dit, le tourisme fait aujourd’hui probablement face à la pire épreuve de son histoire moderne. Un chiffre est éloquent : pendant le confinement 95 % des hôtels ont été fermés. Or le tourisme, c’est 2 millions d’emplois en France et 8 % de notre richesse nationale. C’est pour cette raison que le Premier ministre a annoncé le 14 mai dernier un plan de 18 milliards d’euros en faveur de ce secteur. C’est un plan massif et puissant qui prévoit notamment la prolongation du Fonds de solidarité jusqu’à la fin de l’année pour les entreprises de moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires, l’exonération de cotisations sociales pour plusieurs mois et la mise en place d’un prêt « saison » garanti par l’État. Il prévoit également 3 milliards d’euros d’investissements pour accompagner la reprise et la transformation du secteur, qui doit être compétitive, écologique et numérique.
 
Comment sera-t-il possible de relancer cette économie vitale sur certains territoires ? L’envie de consommer des Français, seule, suffira-t-elle à redresser ce secteur ?
Le tourisme est un secteur pour lequel les échanges internationaux sont un vecteur de croissance important. Si l’envie de tourisme des Français est bienvenue, elle n’est pas suffisante.
C’est pourquoi, une condition importante pour la reprise du secteur, notamment en montagne, c’est la réouverture des frontières. Les stations doivent anticiper le retour des touristes, surtout européens et britanniques. Mais elles doivent être proactives et agiles : nos concurrents ne nous attendront pas !

Vous connaissez l’économie des stations pour avoir évolué au sein de la Compagnie des Alpes pendant plusieurs années : quels sont les atouts des territoires de montagne pour rebondir ?
Aujourd’hui, il y a une forte aspiration des Français et des touristes européens à la naturalité. Or, la montagne française, c’est un patrimoine naturel exceptionnel et sécurisé unique au monde, qui s’adresse aux grands comme aux petits. C’est aux stations et aux acteurs du secteur de cultiver leurs avantages concurrentiels et d’être toujours plus innovants tant en termes de diversité de leurs offres que de qualité des prestations.
 
Beaucoup ont prédit une révolution des modèles existants à l’issue de cette crise. L’économie touristique en montagne doit-elle aussi repenser son modèle ?
La crise doit être l’occasion de se réinventer. L’économie touristique en montagne forme un tout, elle doit trouver une dynamique collective pour relever les défis à venir. Un des axes prioritaires est de construire des parcours clients intégrés et cohérents dans des stations qui sont des mosaïques de services et d’intervenants. Il est important de personnaliser les offres et de retravailler la qualité de l’hébergement. Il nous faut une montée en gamme qui ne soit pas une « premiumisation », mais la recherche de plus d’accueil, plus de confort, plus de services et plus de responsabilité environnementale. Nous avons aussi un atout exceptionnel : l’accès au plus grand domaine skiable du monde.
 
En novembre, Domaines skiables de France appelait à la mobilisation pour la préservation de la montagne française. Comment intégrer cette dimension environnementale à l’heure de la relance économique ?
C’est l’autre axe sur lequel la montagne française doit prendre le tournant ! Cet axe, il est primordial et je sais que de nombreux grands acteurs le partagent. Il est nécessaire aujourd’hui d’anticiper les changements climatiques dans les aménagements de la montagne et dans la relance du secteur. Cela veut dire avoir des engagements zéro émission carbone, protéger et développer la biodiversité, travailler sur le recyclage pour réduire l’empreinte environnementale. Pour prendre un exemple très simple, investir partout dans la neige de culture est une solution de facilité à court terme. Je pense aussi à l’enjeu de la rénovation du bâti existant et sa transformation, plutôt que la multiplication de nouvelles structures. L’enjeu est de trouver des solutions véritablement durables et garantes de croissance.
 
Tandis que la stratégie de déploiement de la 5G fait débat, la montagne compte encore de nombreux territoires en zones blanches, ou ne disposant ni de la 4G ni de la fibre. Comment combler ce retard ?
C’est un sujet qui est une priorité du Gouvernement et je sais que le Président de la République y est très attaché. Dès le début du quinquennat, nous avons lancé le plan Très Haut Débit avec les opérateurs et les collectivités territoriales afin que tous aient accès à la 4G et à la fibre et pour mettre fin aux zones blanches. Chaque jour ouvré, plus de 15 000 locaux sont raccordés au réseau France Très Haut Débit, c’est une vraie réussite industrielle.
C’est aussi un enjeu d’équité territoriale et nous avons mis en place un guichet « cohésion numérique » pour accompagner l’équipement des foyers en solutions de réceptions hertziennes dans les zones mal couvertes par les réseaux filaires. Et les résultats sont au rendez-vous puisque l’observatoire de suivi de l’ARCEP a validé que le jalon intermédiaire de « bon haut débit pour tous » sera atteint fin 2020. L’objectif du « très haut débit pour tous » à horizon fin 2022 est ambitieux, mais tous les moyens nécessaires seront mobilisés pour parvenir à sa réalisation. Cela permettra aux industries de montagne de s’emparer pleinement des innovations numériques pour digitaliser le parcours client.

Opérateurs de domaine skiable, collectivités, fournisseurs, immobilier : la crise impacte fortement les investissements en faveur des destinations touristiques. La destination France sera-t-elle toujours concurrentielle ?
La crise impacte tous les acteurs de l’Union européenne du tourisme en montagne : l’Italie, l’Autriche, la Suisse. La fermeture des frontières les concerne tous. La France doit donc jouer à fond ses avantages. La chance de notre pays, c’est que la clientèle domestique y est plus forte que dans les autres pays.
L’industrie du tourisme en montagne sera donc moins impactée que celle de pays qui dépendent davantage de la clientèle étrangère, souvent originaire hors de l’Union européenne.
Cette compétitivité, nous devons la renforcer grâce au plan Tourisme et aux investissements qui seront faits par la Banque des Territoires et BPI France. Le risque dans la période de crise que nous traversons, c’est que les acteurs publics ou privés diminuent leurs investissements pour parer au plus pressé, alors qu’au contraire il faut investir pour créer de la croissance future. Je pense notamment à la digitalisation : dans les prochaines semaines, nous mettrons en place un accompagnement renforcé pour les TPE-PME qui souhaitent engager ou accélérer leur transition numérique.

Dans ce contexte concurrentiel, les porteurs de projet se débattent dans des cadres juridiques complexes, dont ceux des DSP ou des UTN. Ces process pourraient-ils être simplifiés pour gagner en compétitivité ?
Sans rentrer dans le détail des process que vous évoquez, la simplification est un facteur de compétitivité important pour notre économie, dans un monde toujours plus concurrentiel. Simplifier la vie des acteurs économiques pour leur permettre d’aller plus vite et d’être meilleurs, dans le respect des normes environnementales et sociales. C’est un projet fort porté par ce gouvernement et il porte ses fruits : en 2019, la France est devenu le pays le plus attractif d’Europe pour les investisseurs internationaux. Simplifier, cela permet aussi de redonner au terrain la capacité de décider : c’est décider au plus près et donc mieux, sans jamais renier nos ambitions sociales et environnementales.

Voilà plusieurs éditions que le salon de l’économie touristique de montagne, Mountain Planet, regrette l’absence de représentants du gouvernement : la profession peut-elle espérer une visite en 2022 ?
C’est un salon important qui a fait ses preuves et qui est reconnu. Il permet de faire rayonner à l’international la France et sa montagne, ses équipements, ses services et son offre de tourisme. Il montre à tous que nous avons un potentiel très fort, avec de belles ETI qui peuvent et doivent se développer à l’international. Ce qui est certain, c’est que vous pouvez compter sur mon soutien !

Interview : Agnès Pannier-Runacher Ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. © Gezelin GREE - Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance

propos recueillis par Mickaël frottier