Interview : Lionel Flasseur, Directeur général d’Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme

Directeur général d’Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme depuis février 2017, Lionel Flasseur a déjà imprimé sa griffe sur la stratégie du comité régional du tourisme. Sous son impulsion, celle-ci se caractérise par deux axes forts : la tendance vers un « tourisme bienveillant », et une communication qui privilégie les réseaux sociaux. Il considère que c’est aussi une stratégie payante pour aider la montagne à surmonter ses défis actuels.

Montagne Leaders : Quel est le rôle exact d’une structure comme Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme ?
Lionel Flasseur : AuRA Tourisme est une association loi 1901. Sa mission est d’assurer le développement touristique de la région Auvergne-Rhône-Alpes, en lien avec la direction du Tourisme du conseil régional. Le fait d’être une association de droit privé donne de la souplesse et de l’agilité. La présidence est assurée par Nicolas Daragon, le vice-président de la Région en charge du tourisme et du thermalisme. Nous sommes financés par la Région dans le cadre d’une convention votée chaque année. Nous travaillons donc en binôme et on se nourrit mutuellement : la Région a défini des thématiques d’excellence, nous, nous avons introduit la notion de tourisme bienveillant. Pour simplifier on pourrait dire que la Région s’occupe de la structuration des filières et de la partie investissement, et qu’Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme est en charge du marketing et de la mise en marché de ces filières. C’est le cas notamment pour les plans « Montagne » et « Tourisme et thermalisme ».
Montagne Leaders : Concrètement comment cela se traduit-il ?
Lionel Flasseur : Nous exerçons plusieurs métiers. Premièrement, nous faisons de l’ingénierie touristique. Nous aidons les destinations à redéfinir le plan de développement de leur territoire. Car Auvergne-Rhône-Alpes, en tant que telle, n’est pas une marque de territoire. Deuxièmement, nous contribuons à la formation et la professionnalisation des personnels à travers notre structure Trajectoires Tourisme. Troisièmement, nous faisons en sorte de rassembler et gérer le maximum de données touristiques, grâce à Apidae. Quatrièmement, nous investissons beaucoup dans des études marketing. C’est intéressant de le faire à notre échelle et c’est une vraie valeur ajoutée que nous apportons aux acteurs touristiques de toute la région. Enfin, nous communiquons beaucoup. De façon classique, bien sûr — en faisant de la publicité, en participant à des salons, en organisant des éductours pour les journalistes ou les tours opérateurs —, mais surtout via le digital. Nous sommes la région de France la plus performante sur les réseaux sociaux. Dans ce domaine, nous voulons être en permanence à la pointe de l’innovation. Nous avons doublé le nombre de personnes au community management.
Montagne Leaders : De quel budget disposez-vous ?
Lionel Flasseur : En 2019, nous avons dépensé 12,7 millions d’euros, dont 9,8 financés par la Région (Le reste provient principalement des revenus de notre organisme de formation et de la mutualisation des nombreuses études, systèmes et opérations menés). Hors masse salariale et coûts de fonctionnement, cela signifie que nous avons investi 6,8 millions d’euros en actions de développement. La communication numérique représente une part importante de ce chiffre : entre 1,2 et 1,5 million. Et dans cette somme, plus d’un million est consacré à notre activité sur Facebook.
Montagne Leaders : En matière de numérique, un des grands enjeux est la collecte et l’utilisation des données. Où en êtes-vous avec Apidae ?
Lionel Flasseur : La data est effectivement devenue un enjeu important : celui qui la possède contrôle le marché. La plateforme Apidae a été lancée en 2005 pour mutualiser les données des acteurs du tourisme en Rhône-Alpes. En 2015, elle est devenue Apidae Tourisme et s’est étendue à d’autres départements, d’autres régions : Auvergne, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Île-de-France. Mais pour atteindre une taille critique, elle doit encore grandir et a besoin de financements importants. C’est pourquoi va être créée, au 1er avril prochain, une société coopérative Apidae Tourisme — de type SA — qui a vocation à devenir autonome. L’objectif est de faire vivre un véritable écosystème national, afin d’enrichir encore plus la data en croisant davantage de données et de pouvoir ainsi lancer de nouveaux services. Une coopérative d’intérêt collectif représente la meilleure solution, car chacun met de la donnée dans le système et est libre de l’exploiter. Outre les acteurs institutionnels et les banques, des stations, des socio-professionnels, et même des particuliers, peuvent devenir sociétaires de cette SCIC. Je lance un appel ! Cela signifie qu’Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme ne contrôlera plus Apidae, mais si nous avons contribué à créer un outil utile au plan national, nous aurons parfaitement joué notre rôle. Celui-ci est d’être autant animateurs, agitateurs et inspirateurs que faiseurs.
Montagne Leaders : Puisqu’on parle d’inspiration, cela nous amène naturellement à évoquer la notion de « tourisme bienveillant » que vous avez décidé de promouvoir.
Lionel Flasseur : Tout d’abord, il faut bien préciser que le tourisme bienveillant, c’est une vision, pas une démarche RSE. Cela n’a rien à voir non plus avec l’écotourisme ou le tourisme solidaire. Il s’agit de développer le tourisme traditionnel, mais en évitant les inconvénients du surtourisme. Il doit dicter nos choix à court, moyen et long termes. Il faut le voir comme une source de nouvelles opportunités. D’un côté, les touristes recherchent de l’authenticité, de la traçabilité ; de l’autre, les habitants veulent se sentir respectés et profiter des retombées du tourisme. Il faut donc développer des offres durables mieux réparties dans l’espace et dans le temps. Nous avons la chance d’avoir un territoire très vaste et très riche, et de pouvoir jouer avec les saisons. Nous voulons avoir une vision holistique des choses.
Montagne Leaders : Comment comptez-vous mettre en place ce « programme » ?
Lionel Flasseur : Nous avons lancé cinq initiatives. La première est un manifeste, un appel à la mobilisation de tous les acteurs autour des valeurs que nous voulons défendre. La deuxième est un fonds de dotation pour participer au financement de projets d’intérêt général qui vont dans le sens du tourisme bienveillant. Comme le tourisme en tant que tel n’est pas éligible au mécénat, cette fondation interviendra sur des sujets environnementaux, économiques, scientifiques… Nous voudrions la lancer au cours du printemps 2020, en réunissant entre cinq et dix grands partenaires fondateurs.
La troisième initiative est un site qui recense tous les emplois disponibles en Auvergne-Rhône-Alpes dans le milieu du tourisme : job-tourisme.fr. Cela montre que le tourisme est un secteur attractif et créateur d’emplois. La quatrième initiative est une offre de digital learning, une sorte de Netflix de la formation qui la rend très facilement accessible et beaucoup moins chère. Nous sommes en train de lancer quinze nouveaux modules et nous sommes même en capacité de produire des contenus sur-mesure pour des entreprises. Enfin, le cinquième point est que nous voulons « pousser » le tourisme de proximité. Nous avons déjà plus d’un million de fans sur les réseaux sociaux, l’objectif est de les transformer en ambassadeurs. Nous allons leur proposer des offres exclusives. Actuellement, je cherche des opérateurs qui veulent faire connaître leur produit à nos fans. C’est une formidable réserve de croissance.

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