La décision du Conseil d’Etat sur la station du Sauze en juin 20181 provoque une onde de choc dont on ne mesure pas encore les effets. Dans ce cas d’espèce, une convention « loi montagne » avait été rédigée entre la collectivité et l’opérateur privé historique de la station, propriétaire des remontées mécaniques, du foncier et d’autres biens de la concession. Arrivé au terme du contrat, déléguant et délégataire ont appliqué les clauses de « rachat » prévues au contrat, et se sont heurtés au contrôle de légalité qui considérait ces clauses comme illégales.
Depuis l’arrêt du Conseil d’État « Commune de Douai » de décembre 2012, on savait que les clauses d’indemnisation des biens de retour à des valeurs supérieures à la valeur nette comptable étaient regardées comme « non-conformes », ce qui pose un problème partout où de telles clauses ont été conclues (et notamment lorsque les exploitants étaient propriétaires des biens antérieurement à la loi montagne). L’arrêt « Sauze », rendu mi 2018 par la section du contentieux réunie au complet, va plus loin : il fait craindre que ces clauses soient pratiquement inopérantes (réputées non écrites), ce qui modifie l’équilibre économique du contrat. Cela pose aussi la question de l’expropriation des exploitants, que l’arrêt Commune de Douai avait épargnés2. De surcroît, il donne une vision très extensive des biens de retour, considérant que l’ensemble des biens de la concession sont des biens de retour. La décision de principe rendue en juin par le Conseil d’État est un revirement jurisprudentiel qui touche, directement ou indirectement, toutes les concessions de remontées mécaniques.
L’impermanence des règles pose un problème de loyauté dès lors qu’on applique la nouvelle règle à des contrats signés antérieurement à l’arrêt « Commune de Douai ». C’est encore plus le cas lorsqu’il s’agit d’exploitants qui étaient propriétaires d’une exploitation (éléments corporels et incorporels) antérieurement à leur premier conventionnement et que tout le monde, conseils et administrations, poussait à signer des clauses d’indemnisation (regardées comme illégales trente ans plus tard).
Outre les contentieux qui ne manqueront pas de naître de cette situation invraisemblable, ces changements incessants sont de nature à détourner les investisseurs privés des domaines skiables. Une telle situation n’est bonne ni pour les délégants ni pour les délégataires.
Conscients des difficultés nées de l’application du régime des DSP aux remontées mécaniques, Domaines Skiables de France et l’Association Nationale des Maires des Stations de Montagne se sont déjà réunis plusieurs fois dans le but de formuler des propositions communes.
1 CE, 29 juin 2018, Ministre de l’intérieur c/ communauté de communes de la vallée de l’Ubaye, n° 402251
2 L’arrêt « Commune de Douai » ne prévoyait la propriété publique ab initio des biens de retour que pour les biens dont la réalisation a été mise à la charge du cocontractant par une DSP. Le cas où les investissements ont été réalisés hors conventionnement était donc exclu.