Accidentologie : Détendez-vous, ça va bien se passer

Sujet prisé des médias sous adrénaline, l’accidentologie des domaines skiables fait racler quelques gorges dans le milieu de la montagne. Aussi douloureuse soit-elle, la thématique mérite cependant d’être examinée, tant ses enjeux peuvent impacter l’activité des stations.

Comme la santé, l’accidentologie des domaines skiables, quand elle est bonne, n’est pas un sujet. C’est lorsqu’elle picote qu’elle ébranle son milieu. Si bien que les 120 000 à 140 000 blessés par saison estimés par l’association Médecins de montagne (MDEM) ont longtemps essaimé sans faire de bruit.

Jusqu’à ce mois de décembre 2020 où, devenue le fer de lance du gouvernement pour justifier une fermeture des remontées mécaniques, elle jaillit dans le débat public : l’épidémiologie générée par les activités de glisse en station devait être enrayée, afin de soulager un hôpital affaibli, devant absorber une nouvelle vague covidique. 

140 000 emplois en suspens, un secteur exsangue, la claque est économique, mais l’enjeu de santé publique. « L’accidentologie existe, nous ne pouvons pas la nier car elle demande une organisation très spécifique l’hiver, avec tout un maillage entre les systèmes de secours sur les pistes, les cabinets de médecins de montagne et les hôpitaux en vallée », rappelle Suzanne Mirtain, présidente de la MDEM.

En comparaison avec d’autres activités sportives, les sports de montagne sont à l’origine de 37 % des décès traumatiques en pratique sportive, selon un rapport de Santé publique France, paru en 2020. Ils trustent la première place, devant les sports aquatiques (23 %). 20 % de ces décès sont imputables aux activités de glisse en station. « L’accidentologie est en effet plus lourde que dans d’autres activités, mais elle est liée aux caractéristiques de ce sport dit d’évolution libre, où le pratiquant décide de sa vitesse et de sa trajectoire », décrit Laurent Reynaud, délégué général de Domaines skiables de France. À mettre aussi en rapport avec le volume de pratique : 53,9 millions de journées-skieurs la saison dernière.

Faits d’hiver.

Bénins ou fatals, les accidents de glisse préoccupent au-delà des salles d’urgences, notamment, pour les plus graves, lorsqu’ils propulsent la montagne sur la scène médiatique : « Les drames qui touchent des familles, et des enfants en particulier, sont évidemment inacceptables. Ils sont emblématiques et souvent très médiatisés, alors que, globalement, l’accidentologie est stable », constate Ludovic Richard, responsable du Système national d’observation de la sécurité en montagne (SNOSM). Dans les mairies des stations, le risque est juridique : « Les maires délèguent cette responsabilité au directeur des pistes, mais la responsabilité finale reste dans leurs mains, d’où l’impératif d’organiser, de sécuriser et d’encadrer les pratiques par des arrêtés », informe Claude Jay, président de la Fédération nationale de la sécurité et des secours sur domaines skiables (FNSSDS).

Même légère, l’accidentologie a toujours ses effets indésirables : « Un client qui se blesse, c’est un client qui interrompt au moins temporairement son activité, voir de façon définitive », pointe Laurent Reynaud. Cet enjeu commercial a été modélisé par Benjamin Blanc : « 80 % des plus de 35 ans qui se blessent au ski ne reviennent pas à l’activité. Parmi ces blessés, 60 % sont des femmes, or ce sont souvent elles qui organisent les vacances : potentiellement nous perdons beaucoup de monde ». Le directeur des pistes de Val Thorens – Les Menuires a même fait parler son CRM : « Nous évaluons à 5 000 le nombre de clients perdus chaque année à cause d’un accident. Quand on sait qu’aller chercher un nouveau client coûte sept fois plus cher que d’en garder un, on réalise l’importance de la question. »

Sémiologie de l’accidentologie.

La prévention occupera donc une large place dans ce dossier, à travers le point de vue d’un service des pistes, de la FNSSDS et des fabricants, dont le matériel peut, à présent, faire partie de la solution. Ce traitement ne saurait pourtant suffire, si le sentiment d’insécurité était écarté. Cette crainte des accidents, qui ne dépend pas de leur gravité ni de leur volume réel, est en effet la face cachée de l’accidentologie. Mais pour étudier ce phénomène, observons-en d’abord les symptômes, à travers les chiffres publiés par les deux organismes d’études accidentologiques, le SNOSM et la MDEM. 

Chiffres : MDEM versus SNOSM
 
Née en 1953, l’association Médecins de montagne rassemble plus de 300 médecins généralistes installés en station. Son réseau d’épidémiologie, créé en 1992, recueille les données de 13 stations, ce qui représente 20 000 cas traumatiques par saison environ. Ces données sont extrapolées afin de dresser une cartographie de l’accidentologie sur les domaines skiables. Le Système national d’observation de la sécurité en montagne a été créé en 1997 par le ministère de l’Intérieur et le ministère chargé des Sports, afin d’évaluer et de suivre l’accidentologie de montagne. Affilié à l’École nationale de ski et alpinisme, il traite les données d’un panel de 52 stations de façon automatisée, via les secours répertoriés par les services des pistes, auxquels s’ajoutent les données transmises par 70 stations et les fiches accidents transmises par les préfectures. Les deux organismes dressent une évaluation de l’accidentologie afin d’ouvrir des axes de prévention. Le schéma ci-dessous montre la complémentarité de leurs chiffres et leurs limites.


Lire la suite du dossier sur l'accidentologie dans Montagne Leaders 294