Formation : Un nouveau cap

Les tensions sur le marché du travail, comme les nouvelles attentes des entreprises, ont fait évoluer les besoins de formation, mais aussi le regard porté sur ce volet des ressources humaines. Les formations se diversifient tout comme les profils des salariés.

La question de la formation n’est pas nouvelle pour les entreprises du milieu de la montagne. Le fonctionnement d’une majorité d’entre elles, rythmé par une saisonnalité, parfois inversée — la haute saison des stations de ski étant la basse saison des entreprises d’aménagement de la montagne —, leur impose de faire appel à des travailleurs saisonniers. N’échappant pas au turn-over, elles forment et reforment immanquablement chaque année, à l’image du secteur des remontées mécaniques, qui tourne avec près de 80 % de travailleurs saisonniers : « Bien que nous soyons sur des taux de renouvellement très en dessous de ceux observés dans d’autres branches touristiques, il se situe tout de même en moyenne entre 20 à 25 % dans nos professions. Notre secteur a mécaniquement des personnes à former à chaque début de saison », illustre Anne Marty, présidente déléguée de Domaines skiables de France, et qui dirige aussi la commission Formation du syndicat.

Des diplômes sans garantie.

Ces besoins de formation ont néanmoins été amplifiés par les récentes évolutions du marché du travail, que nous avons développé dans un précédent dossier (cf. Montagne Leaders numéro 293). Les difficultés à recruter, en particulier les profils techniques, ont en effet contraint les entreprises à chercher des candidats en dehors de leur secteur, comme que le décrit Aymerick Bonnot, membre de l’Afmont, l’association des fournisseurs du secteur de la montagne, et gérant du cabinet de recrutement Ascenso. « Nous allons chercher des compétences transposables à notre environnement, des potentiels, à qui on apporte un complément de compétences sur la spécificité montagne via la formation ». Et peut-être même des profils suggèrent Didier Bic, président de l’Afmont : « Nous avons tendance à recruter sur du savoir-être, plus que sur du savoir-faire. Cela augmente nos besoins de formation ». À cela s’ajoute la digitalisation des technologies, qui en demande encore une dose : « De nombreux outils nécessitent, pour être maîtrisés, d’être aguerri sur leur programme d’utilisation, telles que sur les dameuses ou les stations de production de neige. »

Le directeur de Kässbohrer E.S.E., pointe également la baisse du niveau des candidats, en particulier des jeunes diplômés : « Le diplôme n’est plus une garantie de niveau. Auparavant, nous pouvions envoyer les BTS dès la sortie de l’école sur des dépannages simples, ils étaient capables de lire un plan hydraulique ou électrique sans difficulté. Aujourd’hui, on constate des lacunes. » L’entreprise les forme en interne, pour « revoir les fondamentaux », alors qu’elle avait l’habitude de ne former que « sur les spécificités de ses machines », ce qui l’amène à devoir s’équiper en outil de formation.

Une baisse du niveau scolaire que ne conteste pas le personnel académique interrogé : « C’est surtout la motivation qui peut manquer à certains jeunes », nuance Myriam Nivelle, la proviseure du lycée des métiers de la Montagne à Moûtiers. « La représentation du mécanicien les mains dans le cambouis toute la journée colle à l’image des métiers techniques », ajoute-t-elle. « Pourtant, on trouve encore quelques gamins passionnés depuis tout petit », nuance Stéphane Damas. Des perles qu’il faut savoir « repérer et accompagner » dans la formation.

Un outil de fidélisation

Donner envie, c’est justement l’autre fonction de la formation, selon Aymerick Bonnot : « La deuxième attente des collaborateurs, après celle d’être écouté par leur hiérarchie, est de grandir dans l’entreprise. La fidélisation des collaborateurs passe aussi par la formation. Quand on se forme, on se projette moins ailleurs ». « Globalement, les collaborateurs apprécient de se former. Ils sont plutôt demandeurs quand ils se rendent compte qu’ils ont besoin d’améliorer une compétence », abonde Didier Bic.

La formation fait dorénavant intégralement partie de la vie de l’entreprise, avec une conséquence, non négligeable, sur ses finances : les entreprises que représentent Didier Bic ou Anne Marty, « dépensent largement plus que leurs cotisations aux organismes de formation ».

Outre les aides publiques ou des caisses patronales, permettant de financer ces besoins de formations, il existe bien d’autres solutions à explorer (voir encadré). Celle d’enrichir et de spécialiser la formation initiale en est une. C’est celle qu’a développée Remontées mécaniques suisses, l’homologue helvétique de DSF, en 2006. RMS a créé son propre centre de formation, dispensant des diplômes reconnus par l’État fédéral. En poussant, puis en participant, à la création d’un nouveau diplôme, le bac professionnel Remontées mécaniques, DSF en prend peut-être le chemin.

Encore faut-il motiver les intéressés, qui pour le moment ne se bousculent pas au portillon des classes techniques. Afin d’avoir leur faveur, peut-être faudrait-il penser à les intégrer dans les processus de validation, et miser sur la poignée de passionnés, pour qu’ils deviennent, comme le propose Myriam Nivelle, des « ambassadeurs » de leur formation

Retrouvez l'enquête complète dans Montagne Leaders 295