Énergie : La Suisse, sur courant alternatif ?

Les pénuries d’énergie ne menacent pas que la France. En Suisse, la polémique politique a déjà laissé place aux réflexions pragmatiques.

Ce sont d’abord deux conseillers nationaux du Valais qui se sont écharpés dans la presse et sur les réseaux sociaux quant à l’éventualité et au bien-fondé de fermer les remontées mécaniques durant l’hiver à venir à des fins d’économie d’énergie. Là où Christophe Clivaz (Verts) considère le tourisme non indispensable, Philippe Nantermod (RL – Libéral-Radical) ne souhaite pas voir sacrifier ce pan de l’économie. (Ces deux personnalités politiques parlent en connaissance de cause : le premier a notamment enseigné en tant que professeur d’économie touristique et de développement durable à la Haute école spécialisée de Suisse occidental Valais de Sierre, le second a soutenu une thèse « Planification et réalisation des domaines skiables » en 2017.) Si ces échanges n’ont pas manqué de susciter la polémique, certains opérateurs de domaine skiable ont pris le sujet très au sérieux et se sont déjà emparés de la question.

Dialogue et pragmatisme

« Nous avons mis en place un groupe de travail constitué d’opérateurs de domaines skiables, rapporte Berno Stoffel, le directeur de Remontées mécaniques suisses (RMS), l’association qui regroupe les opérateurs de quelque 2 427 installations dans le pays.

Au-delà du débat politique, nous suivons attentivement les différentes étapes de planification du gouvernement en la matière. Nous échangeons de manière très construite à ce sujet. (…) Il n’est pas question de s’opposer à des plans d’économies d’énergie dès lors que ces stratégies tiennent compte de nos enjeux économiques. C’est le plus important, et le gouvernement comprend très bien notre position. Nos échanges sont pragmatiques et n’ont rien de dogmatique. »

Les pistes à l’étude

Fruit de ce groupe de travail, un premier plan intègre des mesures volontaires permettant des économies d’énergie entre 5 et 15 %. Chaque opérateur pourra les appliquer, tout ou partie, en fonction de ses impératifs et de ses infrastructures. « Dans le cas d’un contingentement visant une économie d’énergie supérieure à 20 %, ces mesures individuelles ne suffiront plus, précise Berno Stoffel. Cela nécessitera des plans alternatifs de fonctionnement pour chaque opérateur, intégrant différentes options : réduction de vitesse ou limitation des plages horaires d’exploitation des remontées mécaniques, fermeture d’appareil, ou même fermeture de domaine certains jours de la semaine. » Stratégie volontariste ou mesures imposées, la neige semble à l’écart des débats : « La production de neige de culture en avant-saison, d’octobre jusqu’à décembre, ne devrait pas connaître ces mesures : la neige de culture est trop essentielle pour l’ensemble du tourisme hivernal. »

Quid de la clientèle ?

Reste une inconnue à cette équation : la réaction de la clientèle en période de crise.  « Nous pouvons être amenés à connaître une situation que l’on a rencontrée en début de crise Covid : toute la population est prête à faire des sacrifices. Et il pourra exister une pression sociale qui incitera certains skieurs à ne pas quitter la maison. Durant la période du Covid, c’était pour ne pas accentuer la pression hospitalière. La réaction pourrait être identique pour ne pas accentuer la pression énergétique. Nous craignons un peu ces comportements. » Reste à souhaiter que les mesures préventives suffisent à ne pas basculer vers ce contingentement redouté. 

RMS en chiffres :

> 2 427 remontées mécaniques
> 1,3 Mds CHF de CA (1,35 Mds €)
> 17 567 employés dans la branche RM

 Consommation d’électricité en 2021 :
 – RM : 0,24%
 – Enneigement technique : 0,10 % 

 Consommation d’énergie des transports publics en 2020 :
 – RM (hors neige) : 3,6%

Source : Fiche d’information RMS « 2022 Valeur ajoutée et consommation d’électricité » (Données OFEN et OFT)