Les îlots flottants de Serre-Ponçon

Depuis le mois de septembre, trois îlots flottent sur la retenue de Serre-Ponçon. Mais tout leur intérêt réside sous la surface de l’eau…

Besoins hydroélectriques, irrigation, eau potable… l’activité humaine impacte le niveau des plans d’eau. Au sein de ces écosystèmes, les zones littorales sont des milieux de transition entre la terre et l’eau qui concentrent une grande variété d’habitats et d’espèces. Les variations du niveau de l’eau (marnage), parfois de plusieurs dizaines de mètres, et la disparition de végétation qui en résulte, entraînent des pertes d’habitat pour les poissons et les macroinvertébrés. En France, où plus de 70 % des plans d’eau de plus de 50 hectares sont artificiels, il est donc essentiel de trouver des solutions à cette problématique.
L’Agence française pour la biodiversité (AFB), le centre Irstea d’Aix-en-Provence et la société Écocean mettent en commun leurs compétences au sein du projet de recherche et développement UROS, qui explore l’intérêt potentiel d’îlots artificiels flottants pour rétablir la biodiversité des lacs. En suivant les variations de niveau d’eau, ces radeaux ont pour but de recréer des habitats proches de ceux naturellement présents dans les zones littorales lacustres, les rendant ainsi accessibles en permanence pour la biodiversité.
Ces îlots artificiels vont ainsi mimer une succession d’étages littoraux, tels ceux qui vont de la berge aux zones subaquatiques (1,5 m de profondeur), et recréer un potentiel d’habitat pour la faune.
Afin de tester la faisabilité et la pertinence du projet, les équipes de recherche ont mis à l’eau trois structures en septembre sur la retenue de Serre-Ponçon, sur les conseils du Syndicat mixte d’aménagement et de développement de Serre-Ponçon, du Conservatoire botanique national alpin et de la Fédération de pêche des Hautes-Alpes. Les îlots seront présents en continu sur le lac, qui présente un marnage annuel de l’ordre de 30 mètres (un record de – 48 mètres a été atteint ce printemps), durant au moins trois ans pour suivre la colonisation des radeaux par la macrofaune aquatique et la végétation et en évaluer l’efficacité.
S’il s’avère efficace, le dispositif pourrait permettre d’améliorer l’état écologique de nombreux plans d’eau, tout en préservant leurs usages, et d’alimenter les programmes de mesures pour l’atteinte du bon potentiel écologique des plans d’eau (Directive cadre européenne sur l’Eau), tant au niveau national qu’européen. « Si les résultats sont positifs, Écocean pourrait développer le produit de manière industrielle et le commercialiser. La demande est déjà existante car c’est une problématique répandue en France, étant donné le grand nombre de plans d’eau artificiels, » conclut Samuel Westrelin, chercheur au centre Irstea d’Aix-en-Provence.