Étude glaçante : Un rapport interministériel fait le point sur les glaciers 

La plupart des glaciers fondront sans provoquer de dégâts, mais certains pourraient à l’inverse faire des ravages. Une étude sur les Risques d’Origine Glaciaire et Périglaciaire (ROGP) fait le point.

« Risques de haute intensité et de basse fréquence », telle est la description des ROGP. À l’aune du réchauffement climatique et du glissement accéléré des glaciers, le phénomène habituel de chute de séracs peut faire place à l’écoulement de langues glaciaires voire, dans le pire des cas, du glacier complet. Écoulements d’eau brutaux, laves torrentielles de boue, mouvements de terrains dus à la déstabilisation de parois en pergélisol, pourraient s’avérer funestes. En cause ? La présence de poches d’eau entre la roche et le glacier, réduisant de fait son adhérence.

« Au contraire des avalanches, les ROGP concernent surtout la saison estivale », rappelle Laurent Mayet de l’IGESR (Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche), l’un des coauteurs de l’étude. Les conditions de la belle saison ne sont plus les mêmes. « Des voies connues, autrefois sûres, sont désormais évitées par les guides parce que cela tombe trop », déplore Pierre-Alain Roche, autre coauteur, de l’IGEDD (Inspection générale de l’environnement et du développement durable). Le glacier de Taconnaz est par exemple surveillé à ce titre. 

Forts enjeux

La superficie des glaciers français, qui est de 200 km2, reste minime, à comparer aux 1 300 km2 cumulés des glaciers italiens et suisses. Pourtant, trois ministères – Transition écologique, Recherche, Intérieur – ont mené conjointement cette mission pour parfaire l’organisation et la prévention. Le glacier de Tête Rousse à Saint Gervais, dans lequel l’eau s’était accumulée en 1892, reste dans la mémoire collective avec ses 175 victimes. Sans surprise, l’étude souligne des mouvements de déstabilisation plus nombreux sans que les pouvoirs publics soient parfaitement armés pour éclairer sur les nouveaux risques encourus.

Cependant, « nous avons été agréablement surpris par les communes, les services de l’État et les chercheurs qui ont pris la mesure de l’enjeu et collaborent », avance Pierre-Alain Roche.

La direction générale de la prévention des risques concentre des moyens significatifs à travers le programme PAPROG qui mobilise chercheurs et services techniques. Un réseau de professionnels s’est tissé, bénéficiant des observations des guides, gardiens de refuges… par des réseaux sociaux dédiés. « Cette surveillance humaine a permis d’identifier le risque de surverse du lac glaciaire des Bossons », illustre Pierre-Alain-Roche. 

Avec la hausse des températures, un lac se forme  à partir de la fonte des Bossons. 

Gérer la transversalité

L’aspect opérationnel doit encore être sophistiqué. 

« Au Val d’Aoste, les glaciers comme les Grandes Jorasses qui surplombent la vallée sont perchés et à forts dénivelés. La sécurité civile est donc habituée aux suivis d’alertes, évacuations de personnes, déviations ou fermetures de circulations… Ils ont souvent des décisions à prendre, alors que cela reste plus rare en France », décrit Pierre-Alain Roche.

Ainsi, la mission recommande d’augmenter le budget du service de restauration des terrains en montagne (RTM) de l’ONF qui tente de cartographier les sites plus risqués afin de mettre en place des moyens d’observation en temps réel et de télédétection.

Côté recherche fondamentale, la mission a demandé aux labos travaillant sur les ROGP de lister les actions prioritaires sur quatre ans et a estimé un besoin de 3,8 M d’euros. Elle propose d’actionner un financement « Flash » de l’Agence nationale de la recherche (ANR) consacré aux urgences. Il n’existe pas encore de modélisation satisfaisante de la propagation des laves torrentielles pour déterminer les zones d’impact. Des modèles bricolés, à l’origine dévolus aux avalanches, sont utilisés ! 

Enfin, la mission aimerait structurer une communauté opérationnelle regroupant scientifiques, gestionnaires du risque et experts de terrain, sous la forme d’un groupement d’intérêt scientifique (GIS). « Car la ROGP, transversale, relève de la glaciologie, mais ausssi de la climatologie, géologie, hydrologie… », assure Laurent Mayet. Celui qui était en charge des enjeux polaires au Quai d’Orsay connaît le problème de silo institutionnel et donc de financement des projets. Certains relèvent de la Transition écologique, d’autres de l’Intérieur, d’autres encore de la Recherche.

« Pourtant tous les pôles sont liés. L’opérationnel nourrit aussi  la recherche fondamentale : les données des techniciens envoyés sur les glaciers sont des trésors pour les chercheurs », illustre-t-il.

RÉACTIONS


Serge Taboulot
Président de l’Institut des risques majeurs (Irma) 

L’éboulement de cet été en Maurienne traduit-il un accroissement du risque ?

Ce n’est pas un accident de montagne, mais de transport. Le couloir concerné est répertorié et la falaise s’écroule quand un orage tombe. Nous ne sommes ni dans un cas de dégel, ni dans un lieu de haute montagne. 

La fonte des glaciers vous inquiète-t-elle plus ? 

Oui, et le cycle de l’eau perturbé. Cinq refuges ont fermé dans l’Oisans cet été à cause d’assèchements et d’éboulements. Les pros de l’alpinisme décalent leurs courses à cause des canicules d’altitude causant les mêmes effets.

Quels changements s’annoncent pour le tourisme de montagne ? 

En affluence post-covid, la montagne est plus médiatisée. Les professionnels de haute montagne ont plus de mal à s’assurer. Mais économiquement, le risque des poches glaciaires pèse peu sur le tourisme de montagne qui bénéficie du réchauffement climatique. Nous sensibilisons juste les élus pour qu’ils adaptent leur urbanisme et organisent les réponses aux crises.