Serpent de mer depuis des décennies, la rénovation de l’immobilier de montagne se voit désormais dans l’obligation de confronter sa réalité économique aux impératifs de la loi Climat. Enjeux et échéances d’une équation en faveur de l’environnement et de la compétitivité touristique.
C’était le 29 novembre dernier, la société Heero, spécialisée dans la rénovation énergétique, publiait ses conclusions dans le cadre d’un classement de destinations réalisé en fonction des DPE* au titre tapageur : « Le classement énergétique des stations de ski françaises : une avalanche de passoires énergétiques sous la menace de l’interdiction de louer ! ». Sur la base de 230 stations françaises, l’entreprise en a retenu 70 pour représenter tous les massifs. Au-delà du classement en lui-même, certaines valeurs interrogent : la destination d’Isola 2000, lanterne rouge, a découvert que 90 % de ses logements étaient des passoires énergétiques… quand le domaine du Tourmalet fait, lui, le grand écart, entre Barèges (74 %) et La Mongie (26 %).
« Même si le classement dépend essentiellement de deux critères, l’altitude et l’année de construction, ce qui a été bâti en station avant la règlementation thermique de 1974 est en très mauvaise posture au niveau de l’étiquette énergétique, réagissait Pascale Jallet, déléguée générale du Syndicat national des résidences de tourisme (SNRT) et apparthotels. En ce sens, il existe de nombreuses passoires énergétiques en montagne ». Une conclusion que tempère le président de la FNAIM de l’Isère, Jean-Paul Girard, en avançant la diversité de situations au sein d’une même copropriété, allant d’un troisième étage exposé au sud, à un rez-de-chaussée plein nord : « C’est une réalité dont il faut tenir compte avant de faire une généralité à l’échelle d’un bâtiment ». Et d’ajouter : « La montagne connaît la même problématique que d’autres territoires, qui ont vu se construire des immeubles dans les années 50 et 60 (plan Courant), une période qui ne connaissait pas la préoccupation du climat. (…) La montagne a subi les mêmes styles de construction qu’ailleurs. La problématique actuelle est : que fait-on de ces immeubles et comment organiser leur rénovation ? ». La volonté de Heero était de tirer la sonnette d’alarme, à l’attention des propriétaires et du ministère du Logement, sur les conséquences de l’application de la loi Climat et résilience dont les premières mesures ont débuté en août 2022 (voir calendrier en page 90). Mission accomplie pour ce classement, largement relayé, commenté et qui a engendré d’autres études sur la question, dont celle d’Hello Watt qui, en janvier dernier, remettait en question la fiabilité des DPE.
Les enjeux de la loi Climat et résilience.
Promulguée en août 2021, la loi Climat et résilience défend plusieurs causes. « Portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets », elle intervient d’abord en faveur de la préservation de l’environnement avec la volonté de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Mais, elle comprend également des dispositions sur le logement, notamment au bénéfice des locataires afin qu’ils ne vivent plus dans le froid et l’humidité en hiver, ni dans la chaleur en saison estivale, tout en assumant des dépenses inconsidérées en termes de régulation thermique (chauffage, ou climatisation/ventilation). Des préoccupations de confort et d’économies financières pour l’occupant qui ont été renforcées par le climat de tension internationale autour des ressources d’énergie.
La démarche de rénovation est donc indispensable pour optimiser l’existant : le 22 février dernier, le ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires chargé de la Ville et du Logement, Olivier Klein, affirmait que 80 % de l’habitat de 2050 étaient déjà construits.
La montagne, une si mauvaise élève ?
Dans ce contexte, la FNAIM a jugé utile de reconsidérer le cas de la montagne touristique en publiant en début d’année une Note sur les stations de ski – Janvier 2023.
« La part des logements énergivores (étiquettes DPE F ou G des logements) est beaucoup plus importante dans les communes stations de ski (38 %) que dans l’ensemble des communes métropolitaines (21 %), relève l’étude. Cela est en lien avec l’impact négatif de l’altitude sur les DPE. Autre élément important, la part des étiquettes E est très importante (38 %), et cela signifie que l’interdiction de louer en 2034 concerne potentiellement plus des trois quarts des logements dans les communes stations de ski. »
Au-delà du constat, le président de la FNAIM, Loïc Cantin, évoque le besoin d’accompagnement : « Dans ces territoires, le mouvement de rénovation du parc de logements – impératif écologique majeur – ne peut pas être décorrélé d’une politique d’accompagnement de la rénovation des résidences secondaires, des meublés de tourisme et de l’immobilier de loisirs, impératif économique tout aussi majeur ». Face à l’interdiction pure et simple de louer, la fédération se veut d’ailleurs proactive, puisque sa synthèse suggère des alternatives pour dynamiser la rénovation : faciliter le diagnostic technique global, permettre l’éligibilité des immeubles des zones de tourisme à MaPrimeRénov’ Copro, conditionner le bénéfice de l’aide à la rénovation à une exigence d’occupation touristique, ou encore promouvoir la rénovation par la surélévation, une solution qui permet de financer la rénovation.
Retrouvez l'enquête complète dans Montagne Leaders 295