Thermalisme : Cure de jouvance pour la montagne ?

À chaque station sa transition touristique, entend-on dans les couloirs des salons et autour des tables rondes. Cette maxime, qui sonne presque comme une devise dans le milieu de la montagne, est souvent suivie d’exemples, parmi lesquels le thermalisme tient une bonne place. Avec plus de la moitié de ses centres situés en montagne, cette activité fait en effet partie de son tissu économique.

Dans une course à la diversification, les destinations de montagne déjà dotées d’un équipement thermal semblent avoir une longueur d’avance. L’afflux de curistes, certes freiné par la crise sanitaire, constitue déjà une manne économique pour les territoires. Le développement d’une offre tout public, porté par la vague bien-être et détente, en vogue, pourrait donner un coup de fouet à cette fréquentation thermale, et par ricochet à la destination.

Cependant, les investissements que demandent ces structures sont-ils viables, comparés au potentiel de fréquentation ? le thermes sont-ils durables, voire raisonnables, au regard des enjeux climatiques, qui pèsent sur la ressource en eau ? Plus simplement, cette diversification peut-elle remplir toutes ses promesses ? Nos interlocuteurs du milieu thermal, politique et touristique, apportent de l’eau
à notre moulin.

« Les destinations et les thermes ont des intérêts croisés »

Directeur des Thermes de Saujon, en Charente-Maritime, Thierry Dubois est aussi le président du Syndicat national et de l’Association européenne professionnelle du thermalisme.

Quand a démarré l’activité thermale ?

Certaines stations thermales ont été construites il y a une centaine d’années, mais le grand boom de cette activité est apparu au XIXe siècle. Elle s’adressait à une frange aisée de la population. Après-guerre, l’activité a beaucoup évolué avec le développement de la sécurité sociale, devenant un thermalisme social. Cette mutation a fait progresser la fréquentation qui s’est accélérée après 2009, date à laquelle a été publiée la première étude sur les services médicaux rendus par les cures. En 2018, le nombre de curistes atteignait quasiment les 600 000 par an. Mais la crise sanitaire a touché le secteur : en l’espace de quatorze mois, nous avons connu neuf mois et demi de fermeture administrative. Cela nous a fait perdre de la patientèle.

Quel est l’impact d’un établissement thermal sur son territoire ?

Un chiffre tout d’abord : un curiste sur deux est accompagné. Si on reprend le chiffre de 600 000, cela représente environ 900 000 personnes qui viennent dans une ville thermale chaque année. 70 % de ces destinations ont moins de 5 000 habitants.

L’établissement thermal est donc, bien souvent, l’entreprise la plus importante de ces communes et représente donc une ressource économique considérable pour elles. L’activité crée des emplois directs, le personnel des thermes, mais aussi indirects et induits. Les curistes sont hébergés trois semaines, en hôtel pour une minorité, le plus souvent en résidence de tourisme ou en camping. Sur place, ils consomment, ont des loisirs, font des achats, créant une dynamique économique.
À titre d’exemple, avant la crise, la station de Gréoux-les-Bains était la deuxième ville touristique du département des Alpes-de-Haute-Provence, en termes de nuitées et de consommation.

Ce service médical est-il souvent complété par une offre touristique ?

En France, on fera toujours très attention à bien distinguer les deux activités, même si elles sont réalisées au sein du même établissement. Ainsi, on parle de courts séjours et de séjours prévention ou bien-être pour ce type d’offre. En Europe, il y a des pays où le volet médical est peu développé, au profit d’une offre de courts séjours, couplée à une offre hôtelière de standing. Dans d’autres pays, comme l’Italie, les offres médicales et de prévention s’équilibrent. Il est intéressant de noter que ces centres vivent mieux de leur offre bien-être. En France, l’activité médicale représente 90 % de l’activité. Nous sommes en retard !Il faut donc développer ce volet, qui permet de se diversifier, mais en complément des cures et non à leur détriment.

En quoi est-ce une opportunité ?

L’offre thermale élargit le panel d’activités d’une destination, et contribue à son attractivité. En hiver, la clientèle des stations constitue un potentiel de clients pour nos établissements. Les mini-cures, des soins à la carte et des offres packagées devraient pouvoir se développer. Nos intérêts sont croisés.

Comment mettre en place ces activités ?

Pour qu’elles puissent fonctionner, il faut une offre hôtelière adaptée sur le territoire. Elles se déroulent en effet sur des courts séjours, et s’adressent à une autre clientèle, plus jeune, en activité, qui souhaite se libérer des contraintes.

L’espace et les plannings doivent aussi être aménagés pour ne pas mélanger les deux patientèles, avec des plages dédiées et des équipements : des spas, des piscines animées, des bassins extérieurs… Nous sommes sur une approche ludique.

Quelles sont les limites à ce développement ?

La majorité des ressources se trouvent dans des nappes profondes. Il s’agit d’eau infiltrée depuis des centaines, voire des milliers d’années. Ces réservoirs sont importants et ne vont pas s’assécher rapidement. Pour celles dont les nappes sont moins profondes, il y a lieu de s’inquiéter. Nous travaillons avec le ministère de la Transition écologique pour mettre en place des économies, en réutilisant l’eau des soins thermaux pour les activités bien-être par exemple.