Environnement - Stations en transition : le défi vert de l’or blanc

Après la phase de construction à tout-va des stations de ski dans les années 60 et 70, la prise de conscience d’une nécessaire préservation de l’environnement, dans les années 80, a bientôt fait passer les pionniers bâtisseurs pour des bétonneurs sans vergogne. Dans les années 90, le développement de la neige « articielle » répandue sur les pentes à coups de « canons » n’a pas aidé à améliorer cette image. Dans le milieu de la montagne, on sait pourtant qu’en dépit de quelques excès condamnables, cette image caricaturale n’est pas méritée. Depuis toujours, la plupart des acteurs qui ont œuvré au développement de l’activité touristique en montagne ont été des passionnés, amoureux de cette nature imposante qu’ils s’efforçaient de rendre accessible au plus grand nombre.

Une charte nationale en 2007
Indépendamment des contraintes administratives qui encadrent tout projet d’aménagement et tentent de limiter son impact environnemental, le souci écologiste des professionnels et élus de la montagne a fini par se matérialiser dans une démarche collective volontariste en 2006, avec la création d’une commission « Aménagement du territoire et développement durable » au sein de l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM). Dès 2007, elle rédigeait une « Charte nationale en faveur du développement durable dans les stations de montagne », en partenariat avec l’ADEME et l’association Mountain Riders. Cinq ans plus tard, plus de la moitié des stations de ski françaises avaient signé cette charte et Gilbert Blanc-Tailleur, alors président de l’ANMSM, pouvait dresser ce bilan : « L’impulsion de quelques maires pionniers a porté ses fruits. En station de montagne, les enjeux du développement durable sont désormais mieux intégrés et pris en compte en amont des projets. (…) Il faut cependant veiller à ne pas s’essouffler. (…) Le développement durable reste un enjeu majeur pour l’avenir. »

La dynamique Cimes Durables
Lorsqu’il lui a succédé à la tête de l’ANMSM, en 2014, Charles-Ange Ginesy, le maire de Valberg – aujourd’hui président du département des Alpes-Maritimes – a tout de suite voulu faire du développement durable l’une des priorité de l’association. En 2016, afin d’aider de nouvelles stations à franchir le pas, il a lancé Cimes Durables, une dynamique qui se veut « collective et collaborative » en offrant aux stations la possibilité de partager leurs expériences et leurs bonnes pratiques, et qui récompense les meilleures initiatives.
Alors qu’il est difficile de mettre en doute, aujourd’hui, les menaces que représentent le réchauffement du climat, la réduction de la biodiversité ou les conséquences de la pollution sur la santé humaine, le développement durable et l’éco-responsabilité qui en découle (mais le développement durable induit bien plus que la simple préservation de la nature) s’imposent comme une préoccupation incontournable pour tous les acteurs de la montagne… y compris les touristes.

Des actions dans tous les massifs
Dans les pages qui suivent, nous présentons quelques initiatives marquantes, ou représentatives, en matière de sauvegarde de l’environnement, que nous avons repérées dans les différents massifs de notre pays. Il faut avoir conscience qu’elles ne donnent qu’un petit aperçu de toutes les actions qui sont menées dans nos montagnes pour trouver un équilibre harmonieux entre développement économique, respect du cadre naturel et, plus largement, sauvegarde de la planète. Des communes ont mis en place en leur sein une direction du développement durable (comme à Courchevel, par exemple), beaucoup d’autres se sont engagées dans des démarches de certification ou de labellisation souvent exigeantes : norme ISO 14001, Station Verte, Green Globe, Flocon Vert, ou la moins connue Lucie (Altiservice)… C’est un défi qui demande une attention permanente, mais le jeu en vaut la chandelle, pour la nature, mais aussi, commercialement, pour l’image des stations. La plupart des directeurs de station l’ont désormais intégré dans leur pratique. Sylvain Philippe, de Métabief, l’affirme comme un credo : « Le respect de la nature, ça m’anime. Pour moi, les obligations réglementaires environnementales, ce ne sont pas des obligations, car nous allons plus loin que ce qu’on nous demande. »
Dossier réalisé par Yves Baunez

Serre-Chevalier, laboratoire de transition énergétique

La SCV Domaine skiable, filiale de la Compagnie des Alpes qui exploite le domaine skiable de Serre-Chevalier, a commencé l’an dernier la mise en place d’un programme de production d’énergies renouvelables qui devrait lui permettre d’assurer, d’ici trois ans, près du tiers de ses besoins en électricité.

Réalisé en partenariat avec la Caisse des Dépôts et co- financé par la Région Sud, ce projet recourt simultanément à trois technologies de production : hydroélectricité, photovoltaïque et micro-éolien. Il entend ainsi exploiter au mieux les potentialités environnementales du domaine : 2 500 heures annuelles d’ensoleillement, un réseau dense de sources et torrents, et des cols d’altitude bien exposés au vent. À terme, en 2021 ou 2022, cette ressource naturelle multiple sera capable de produire 4,5 GWh sur les 14,5 dont le domaine a besoin pour faire fonctionner ses 58 remontées mécaniques, son équipement de neige de culture (14 salles des machines, 577 enneigeurs) et l’ensemble de ses installations tertiaires (bureau et bâtiments d’exploitation).

L’expérience a montré que l’éolienne « classique » à axe horizontal avait le meilleur rendement. Une deuxième va être installée cette année.

Une année à valeur de test
Afin de relever ce pari en limitant au maximum son impact sur l’environnement, le choix a été fait d’utiliser autant que possible des infrastructures existantes pour en faire de réels supports aux sources d’énergie renouvelables et auto-consommables. Dès l’an dernier, des panneaux solaires souples, développés par l’entreprise locale Sunwind, ont été installés sur des gares de remontées mécaniques et des bâtiments d’exploitation.
Le réseau hydraulique mis en place pour la neige de culture va servir, quant à lui, pour alimenter en boucle des turbines dont on attend qu’elles produisent 80 % de l’énergie totale du projet. Cependant, la réalisation de ces installations hydroélectriques est soumise à de nombreuses études préalables. « Normalement, il faut une dizaine d’années pour les mener, mais nous essayons de le faire en seulement trois ans », avance Patrick Arnaud, le directeur général de SCV Domaine skiable.
Enfin, deux micro-éoliennes de types différents avaient été installées à l’automne dernier afin d’être testées in situ : l’une de 12 m de haut, à axe horizontal, conçue en Estonie pour répondre à des conditions de froid extrême ; l’autre de 6 m de hauteur, à axe vertical, mise au point par la société iséroise Collaborative Energy et utilisant des pales en bois fabriquées dans le Briançonnais. L’expérience aura permis de constater qu’il vaut mieux s’en tenir à la technique traditionnelle à axe horizontal. Tandis que la deuxième phase du plan d’investissement se déroule comme prévu, il a donc été décidé d’installer, dès cette année, une deuxième éolienne de ce type.

Montage des panneaux photovoltaïques Sunwind sur le nouveau télésiège de l’Eychauda.

Première mondiale pour POMA et Sunwind
Concernant les panneaux photovoltaïques, la première année d’exploitation n’a apporté que des satisfactions. « Le fait d’être en altitude nous a permis d’obtenir une production électrique supérieure de 10 % aux informations des constructeurs, et c’est vrai même pour les panneaux Sunwind », se réjouit Patrick Arnaud. Cet été, pour la première fois au monde, les gares d’un télésiège neuf ont été équipées directement de panneaux solaires en guise de couverture. Il s’agit du TSD 6 de l’Eychauda, conçu par POMA pour accueillir des panneaux souples Sunwind. Parallèlement, les deux gares du télésiège des Combes seront elles aussi équipées, mais en rétrofit. « La technique est tellement concluante que nous envisageons d’équiper une dizaine de gares qui n’étaient pas prévues au départ. Cela devrait nous permettre de dépasser notre objectif initial ! », annonce Patrick Arnaud.

Au service de toutes les stations
Il reconnaît que tous ces investissements ne sont pas forcément rentables en termes purement financiers. Mais si la Région Sud subventionne en partie les 3,6 millions d’euros du coût total, c’est parce que l’intérêt écologique est indéniable. « Nous ne sommes pas qu’un laboratoire pour la Compagnie des Alpes », plaide le directeur de SCV Domaine skiable. « Les enjeux environnementaux sont universels et nous partageons notre expérience avec toutes les stations de ski. Il en vient de tous les massifs pour visiter nos installations. »
Il ne cache pas que l’ambition de sa station va bien au-delà de la transition énergétique. Elle a obtenu la certification Green Globe en 2018 et a recruté un responsable de la transition environnementale à temps plein. Actuellement, elle est engagée dans un ambitieux programme de réduction de sa consommation énergétique et de son empreinte carbone, une démarche on ne peut plus cohérente pour utiliser de façon intelligente l’énergie qu’elle produit.

Retrouvez l’article complet dans le numéro 275 de Montagne Leaders en kiosque, ou en le commandant en ligne.