La crise du Covid-19 doit nous obliger à repenser beaucoup de choses dans notre société. Le tourisme a été touché de plein fouet par l’arrêt des voyages, du jour au lendemain. Ce tourisme mondialisé a montré ses vraies limites. En montagne aussi, on a commencé à parler de tourisme de proximité, de transition, de transformation.
Une transition ?
On a tous vu ce dessin avec les vagues successives qui s’enchaînent derrière celle du coronavirus. Une crise économique, une crise climatique, une crise de la biodiversité… Au-delà du tourisme, c’est bien notre société qui devra réussir à les réduire, à les affronter, à s’adapter. Quand on réalise une descente en ski, on sait pertinemment que c’est à nous de nous adapter, pas à la montagne, afin d’éviter la chute. Pour notre société, c’est la même chose. On va désormais vivre dans un monde sous contrainte (descente énergétique, impacts du changement climatique, etc.) et cela va avoir d’importantes conséquences sur notre secteur du tourisme et celui de la montagne en particulier. La recherche quasi religieuse pour la croissance économique ne pourra plus être notre credo. Il va falloir inventer autre chose. Il va falloir revenir sûrement à des choses plus simples, plus lentes, plus essentielles.
Une inertie indéboulonnable ?
Or, qui veut réellement de cette transformation ? Comment peut-on faire pour sortir de ce culte de la croissance ? Veut-on réellement voyager moins mais mieux dans l’avenir ? Va-t-on réussir à regarder au même niveau les conséquences environnementales, les retombées économiques et l’équité sociale pour chaque choix que nous ferons, que ce soit pour un élu, pour un chef d’entreprise, pour un pratiquant ou pour un citoyen… Or, malgré les tentatives ici et ailleurs, la véritable transition est encore bien rare sur les territoires et on retombe assez souvent dans une forme d’acceptation et d’inertie politique. Mais alors ? Comment changer réellement de paradigme en montagne ? Comment peut-on imaginer des territoires neutres en carbone d’ici à 2050 ? Comment peut-on trouver à la fois un territoire économique viable pour tous, respectueux de l’environnement et dont l’ensemble des acteurs et habitants se sentent heureux?
Quelle place pour le tourisme dans la société montagnarde de demain ?
Au-delà de la transition du tourisme, c’est sa place qui doit être questionnée dans la vie en montagne. Or, il n’y a pas une seule montagne mais bien des montagnes avec de très nombreuses particularités locales, économiques, culturelles, historiques, sociales, écologiques, paysagères, etc. L’économie touristique doit ainsi être positionnée au bon niveau en fonction des territoires, en fonction de l’acceptabilité des habitants, en fonction de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et des élus, en fonction de la capacité de charge de l’environnement. Il s’agit donc bien de projets de territoire dans leur ensemble et non pas simplement de logique de développement d’affaires. Ce qui doit guider les choix pour construire ces projets de territoire, c’est bien à la fois la volonté de chacune des parties prenantes mais aussi la responsabilité envers la Planète et les Objectifs de Développement Durable. Ce travail doit ainsi se réaliser dans une intelligence et une gouvernance partagée et collective afin d’impliquer, vraiment, toutes les voix.
Pour un tourisme durable en montagne
Le tourisme dans son ensemble ne répond pas dans sa globalité à ces objectifs de développement durable. Il y a encore trop de dérives et d’impacts négatifs non traités, que ce soit sur les questions de retombées économiques partagées, d’impact sur l’urgence climatique, sur la bétonisation des espaces naturels ou encore sur le respect des salariés et des habitants. Le numérique a peut-être facilité des choses pour le client mais cela n’a pas amélioré les conditions de travail pour les salariés et n’a pas permis de lutter contre l’inflation dans les destinations. Et cela a poussé aussi vers une internationalisation du voyage et des impacts environnementaux de plus en plus lourds. Alors que le tourisme pèse désormais près de 10 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, il est largement temps de repenser totalement ce secteur d’activité. À l’avenir, on ne pourra plus imaginer faire la promotion de nos montagnes afin de faire venir des clientèles asiatiques, américaines ou russes pour quelques jours de dépaysement et de glisse. Le poids de l’impact sur le climat outrepassera complètement le chiffre d’affaires engrangé. Au-delà de cette question de l’attractivité, il va falloir adapter les politiques de développement touristique, les offres, les propositions aux visiteurs en fonction de ces évolutions climatiques. Le tourisme en montagne de demain sera ainsi plus local, plus slow, moins carboné, en circuits courts et plus respectueux de l’environnement. Ce n’est plus une question de neige ou de glisse, il s’agit de repenser toutes les activités touristiques et de loisirs en montagne, toute l’année, pour des visiteurs ou pour des habitants.
Une société à transformer avec l’ensemble des parties prenantes
Pour y arriver, il va falloir faire s’asseoir à une même table toutes les parties prenantes d’un territoire de montagne. Nous ne serons pas tous d’accord bien sûr mais nous devrons partager un consensus à la fois sur la situation, sur les risques à venir et sur l’envie d’une transition. L’ambition du Cluster de la Transition des Territoires de Montagne que ce soit à travers les États Généraux organisés en novembre prochain dans le cadre de la présidence française de la SUERA ou dans son développement futur, c’est bien de jouer la carte de l’intelligence collective pour imaginer un futur souhaitable, réaliste et engagé pour tous. Nous impliquerons des élus courageux, des entrepreneurs engagés, des associations locales actives, des chercheurs investis et des citoyens amoureux et fiers de leur territoire pour construire ce futur.