Bon nombre de stations de ski sont parfois amenées à offrir des forfaits gratuits ou remisés pour permettre l’accès aux remontées mécaniques. Sur le fondement du principe d’égalité de traitement des usagers, des critiques ont, pour autant, été formulées sur l’instauration de tarifs différenciés au profit de certains usagers pour l’accès aux remontées mécaniques.
Les grilles des tarifs « spéciaux » sont donc, à l’évidence, amenées à évoluer.
I. Délivrance de forfaits gratuits ou remisés : quelles règles applicables ?
Particularisme français, les remontées mécaniques sont qualifiées de service public à caractère industriel et commercial par le Code du tourisme 1.
Cette qualification implique deux conséquences majeures :
– La première tenant à l’équilibre budgétaire du service.
L’exploitation des remontées mécaniques doit être équilibrée en recettes et en dépenses 2. Autrement dit, les ressources inhérentes doivent provenir de redevances perçues auprès des usagers des domaines skiables pour un montant correspondant au coût réel de l’exploitation.
– La deuxième tenant au respect du principe d’égalité des usagers.
La gratuité, comme l’octroi de forfaits à tarifs préférentiels pour l’accès aux domaines skiables, doit revêtir un caractère exceptionnel, pour respecter le principe d’égalité 3 des usagers des domaines skiables devant le service public des remontées mécaniques.
Les juridictions administratives ont censuré l’application de tarif préférentiel « gens du pays » aux motifs que la différence de traitement entre usagers du domaine skiable n’était justifiée par aucune considération d’intérêt général en rapport avec l’exploitation des remontées mécaniques, ni même par des différences objectives de situation 4.
En pratique, la politique tarifaire des stations (incluant, le cas échéant gratuité et/ou octroi de forfait remisé) doit être décidée par l’autorité organisatrice des remontées mécanique par voie de délibération 5, et faire l’objet – autant que de besoin – de conventions avec les organismes bénéficiaires pour encadrer les conditions d’usage gratuit du domaine skiable.
N’en demeure pas moins que l’instauration de tarifs différenciés entre les habitants d’une commune et les autres usagers du service des remontées mécaniques est sujette à critique, dès lors que des différences de situation ne peuvent pas être justifiées.
La vigilance s’impose donc lors de l’élaboration des grilles des tarifs dits « spéciaux ».
II. Les tarifs « spéciaux » : oui, mais dans quels cas ?
Les règles de bonne gestion du service public des remontées mécaniques impliquent que la gratuité ne soit accordée qu’aux professionnels intervenant sur le domaine skiable pour assurer l’exercice de leurs fonctions (entretien et fonctionnement des remontées mécaniques et des pistes, sécurité, secours,…), ou pour des évènements ponctuels de promotion ou d’animation de la station, contribuant à sa renommée. 6
Dans certains départements, le cadre juridique entourant la question de la fixation des tarifs des remontées mécaniques a très récemment été rappelé aux collectivités et groupements de collectivités – supports de stations de montagne 7.
À ce titre, il a notamment pu être confirmé que le principe d’égalité de traitement des usagers pour l’accès au service public des remontées mécaniques ne fait pas obstacle à la prise en considération de différences de situation pouvant justifier l’octroi de forfaits gratuits ou remisés.
Au titre des gratuités que les autorités organisatrices des remontées mécaniques et exploitants seraient autorisés à octroyer, figurent en particulier :
– Les personnes intervenant dans le fonctionnement du domaine skiable (pisteurs, employés de remontées mécaniques) qui disposent d’un accès permanent et gratuit aux remontées mécaniques du domaine sur lequel elles exercent ;
– Les agents et services de l’État (police, gendarmerie) et pompiers qui exercent, sur le domaine skiable et hors domaine skiable, des missions de commandement et de mise en œuvre du secours, de la police judiciaire et administrative, ou de l’ordre public.
Pour le reste des intervenants, autorités organisatrices et exploitants sont invités à faire preuve de pragmatisme et parfois d’ingéniosité pour trouver le bon équilibre entre principe d’égalité et équilibre financier induit par l’exploitation des remontées mécaniques.
1 – Article L. 342-13 du Code du tourisme : « L’exécution du service est assurée soit en régie directe, soit en régie par une personne publique sous forme d’un service public industriel et commercial,
soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention à durée déterminée avec l’autorité compétente. ».
2 – Article L. 2224-1 et L. 2224-2 du Code général des collectivités territoriales.
3 – Le principe d’égalité de traitement entre les usagers d’un service public est
un principe à valeur constitutionnelle, Cons. const., déc. n°73-51 DC du 27 décembre 1973, Loi de finances pour 1974.
4 – CAA Lyon, 13 avril 2000, Commune de Saint-Sorlin-d’Arves, req. n°96LY02472 et CAA Bordeaux,
13 novembre 2007, Régie des sports d’hiver de Luz-Ardiden, req. n°06BX01607.
5 – Article L. 1221-5 du Code des transports.
6 – Question écrite de Christine Herzog, n°5154, Réponse JO du Sénat
du 6 septembre 2018.
7 – Circulaire du préfet de la Savoie, 5 juillet 2022, Régime juridique des tarifs des remontées mécaniques.
En pratique Dans la perspective de la prochaine ouverture de la saison hivernale, exploitants et autorités organisatrices des remontées mécaniques sont incités à réaliser un inventaire des pratiques de délivrance de forfaits gratuits et/ou à tarifs préférentiels. En fonction de la situation propre à chaque station, les autorités organisatrices fixeront, par délibération, la liste des situations pouvant justifier d’un accès gratuit ou à tarif préférentiel aux domaines skiables, en accord avec l’opérateur de remontées mécaniques. Dans bon nombre de stations, la promotion du sport auprès des jeunes et le maintien d’un vivier de sportifs de haut niveau feront l’objet d’un questionnement à part entière. Exploitants et autorités organisatrices – supports de stations – s’interrogeront également sur les conventionnements à mettre en place avec les organismes bénéficiaires de gratuité ou de tarifs remisés. Enfin, une réflexion sur la mise en place d’accords commerciaux entre acteurs de l’écosystème montagne comme sur la création de structures tierces, pourra aussi s’avérer pertinente.