L’avenant de DSP doit-il faire l’objet d’une publicité ?

Est-il vraiment nécessaire de publier un avis de modification, lorsqu’on passe un avenant à un contrat de délégation de service public dans le domaine des remontées mécaniques ?

Comme l’a rappelé Maître Mollion (Montagne Leaders n°279) 1, les conditions pour signer un avenant de modifications, sont encadrées par le Code la Commande Publique.

Son article R 3135-10 précise qu’il est nécessaire de publier un avis de modification du contrat de concession, au JOUE, dans les hypothèses prévues aux articles R 3135-2 et 3135-5 2. Ainsi, sur les huit hypothèses prévues pour envisager une modification du contrat de concession, seules deux sont concernées par cette mesure de publicité. La première concerne le cas des travaux ou services supplémentaires devenus nécessaires, la deuxième concerne la modification non substantielle.

1. Pourquoi est-il nécessaire de respecter cette obligation juridique ?

La publicité a pour effet direct de purger les délais de recours pouvant entacher la modification du contrat, au titre par exemple d’une demande d’annulation dudit avenant.

Si le recours en annulation était auparavant ouvert aux tiers intéressés concernant les actes détachables du contrat 3, aujourd’hui ils ne peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, du fait de l’existence de la voie de recours issue de la jurisprudence « Tarn-et-Garonne ».

Seul le préfet peut, dans le cadre du contrôle de légalité 4, demander l’annulation des actes détachables, par la voie d’un déféré pour excès de pouvoir, tant que le contrat n’est pas signé. Le recours dit « Tarn-et-Garonne », permet à l’ensemble des tiers s’estimant lésés d’une manière suffisamment directe et certaine, dans leurs intérêts, de défendre leurs droits. Ce recours de pleine juridiction, en contestation de la validité du contrat se substitue au recours dit « Tropic travaux signalisation » du 16 juillet 2007 et permet de contester la validité du contrat, devant le juge de plein contentieux aux pouvoirs étendus.

« Tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant  la validité du contrat ou certaines de ses clauses non règlementaires, qui en sont divisibles » (CE, ass, 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne, n°358994)

En pratique, les tiers ne pourront se prévaloir, dans un délai de deux mois, « à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées » des vices du contrat ou de la procédure de passation, en rapport direct avec l’intérêt lésé, dont ils se prévalent ou ceux d’une gravité telle, que le juge devrait les relever d’office.

Au regard de l’importance et de la nature des vices entachant la validité du contrat, le juge peut décider de la poursuite de l’exécution du contrat, une régularisation ou une résiliation partielle ou totale, dans l’hypothèse d’un contenu illicite et si la décision ne porte pas atteinte de manière excessive à l’intérêt général.

Avant la saisine du juge, il existe toujours un stade intermédiaire, à savoir le recours gracieux.

La question a été posée au Conseil d’Etat (20 décembre 2019, n°419993, Communauté de Commune de Sélestat), de savoir si le recours gracieux pouvait interrompre le délai de recours Tarn-et-Garonne, recours d’origine jurisprudentielle, ni prévu, ni imposé par un texte. Le recours gracieux a pour effet normalement d’interrompre le délai de recours contentieux. Le Conseil d’Etat avait déjà admis que le recours gracieux du préfet interrompait le délai de recours Tarn-et-Garonne 5, ainsi il ne pouvait être traité plus favorablement que les autres tiers.

Ainsi, le Conseil d’Etat a admis l’interruption du délai de recours, du fait de l’existence d’un recours gracieux, dans le respect des dispositions de l’article L 411-2 du Code des relations entre le public et l’administration 6.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat s’est prononcé récemment sur les possibilités données au contribuables locaux, de pouvoir exercer un recours Tarn-et-Garonne, malgré la résiliation du contrat (CE 27 Mars 2020, n°426291, M.I.H. et autres).

Dans cette jurisprudence était en jeu une nouvelle délimitation du périmètre d’une concession de distribution électrique, ainsi qu’une remise en cause des clauses relatives à l’indemnité due au concessionnaire, en cas de résiliation anticipée.

La question posée au Conseil d’Etat, était de savoir si les contribuables locaux avaient un intérêt à agir ? Le Conseil d’Etat répond que « lorsque l’auteur du recours se prévaut de sa qualité de contribuable local, il lui revient d’établir que la convention ou les clauses dont il conteste la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité ». Le second apport de cet arrêt, vient préciser que l’action en annulation est toujours possible, malgré la résiliation du contrat 7.

2. Une publicité appropriée

En dehors des formalités ordinaires d’affichage 8 et de publication dans le recueil des actes administratifs 9, Il  convient également de s’interroger pour savoir si le dispositif de la délibération habilitant l’exécutif à signer l’avenant, doit également être publiée, en l’application de l’article L 2121-24 10 du CGCT, en tant que mesure de publicité appropriée.  En effet, le texte concernant l’approbation d’une convention de délégation de service public, ne précise pas si cette obligation pèse également sur les avenants. Comme le précise, une jurisprudence ancienne, de la Cour Administrative d’Appel de Marseille, l’insertion dans une publication locale, constitue un mode de publicité, qui s’ajoute aux  formalités ordinaires.

L’absence de publicité appropriée a pour effet de fragiliser la sécurité juridique de l’avenant, qui peut être remis en cause, à tout moment.

Si cette modification du contrat apparaît comme une simple formalité, elle peut à la fois permettre de purger les recours potentiels, mais également de préciser les contours de la modification introduite par l’avenant. Elle nécessite donc toute la vigilance nécessaire pour éviter tout risque de contestation.

Alain Lauriac, avocat directeur associé du cabinet Fidal – Département Droit Public – Pôle Montgane

Dans la pratique
 L’avis de publicité, doit respecter l’ensemble des dispositions prévues par la Directive 2014/23/UE. S’il est aisé de trouver le cadre de ce document, il est plus délicat de trouver le cheminement, qui permettra sa saisie dans la grille prévue à cet effet. La logique aurait voulu, que le site du BOAMP, puisse servir de support pour permettre cette publication. Il est possible d’utiliser cette plateforme, pour publier au JOUE, uniquement si les contrats en cause ont été établis, avant 2016.
 Dans le domaine des remontées mécaniques, l’essentiel des contrats de délégation de service public ont été signés bien avant 2016. Il est alors nécessaire de se rapprocher des institutions européennes et d’utiliser le lien eurlex-helpdesk@publications.europa.com, avant de trouver la plateforme, permettant la saisie de cet avis. Cet avis précisera, outre l’identité du pouvoir adjudicateur/entité adjudicatrice, la valeur totale du contrat avant et après modification, mais également les raisons de la modification du contrat en cause.