Les clients de la montagne posent sur la table la question environnementale !

Bien que les préoccupations environnementales et celles liées au changement climatique soient sur la table depuis de nombreuses années, l’esprit général dans le monde du tourisme était à une adaptation progressive de l’offre voire à un sympathique green-washing peu producteur d’effets.

Chez CoManaging nous percevions des frémissements dans les territoires depuis quelques années notamment dans les métropoles : celles-ci, toute à leur croissance, se trouvaient de plus en plus en décalage avec les attentes de leurs concitoyens…
D’autres indices récents : la poussée écologiste aux élections municipales (et notamment dans les métropoles !) la montée en puissance du flygskam (littéralement « honte de prendre l’avion » en suédois) le bashing sur des pratiques de transport de neige etc. étaient autant d’indices qui nourrissent un à un la perception que les lignes étaient en train de bouger.
Tout cela nous a conduits – lorsque nous avons décidé, Montagne Leaders, G2A et CoManaging de lancer une nouvelle enquête sur les clients de la montagne – à orienter l’interrogation de nos concitoyens sur le sujet de la préoccupation environnementale.

L’éveil des « consciences environnementales » est bel et bien là !

L’enquête que nous avons menée en septembre 2020 sur un échantillon représentatif de la population française, nous a effectivement surpris par l’importance de la prise de conscience des Français sur ce sujet.
72 % des Français pensent que les problématiques environnementales impacteront leur choix de vacances dès aujourd’hui ou à court terme !
Plus de 60 % des Français affirment que le respect de l’environnement fait partie des critères de choix d’une destination touristique !
À court et moyen terme : les deux-tiers des Français vont tenir compte du respect de l’environnement et ce dans tous les domaines pour constituer leur choix de vacances.

Très conscients, mais peu enclins à l’action individuelle

Si 57 % des clients de la montagne considèrent que les destinations touristiques de montagne l’hiver ne sont pas respectueuses de l’environnement, ils ont néanmoins tout à fait conscience que ce sont leurs comportements et particulièrement les déplacements vers le site de vacances qui sont les principaux facteurs de nuisance. (voir Illustration I)
Pour autant, ils considèrent que ce sont les autres qui doivent mener des actions en faveur de l’environnement en plaçant devant eux les instances internationales, le gouvernement français et les entreprises. (voir Illustration II) 85 % d’entre eux pensent que le secteur touristique doit devenir un secteur particulièrement engagé en matière d’environnement.

Les clients sont prêts à se soumettre à des règles contraignantes

Nos clients de la montagne sont donc comme Docteur Jekyll et Mister Hyde : le citoyen qui est en eux réclame des mesures pour l’environnement et le consommateur ne veut pas s’imposer des efforts trop contraignants et, garde son envie de pratiquer la montagne hiver comme été. On retrouve ce comportement dans l’aérien où les clients n’envisagent pas de s’autocontrôler sur leur consommation de déplacements, mais voteraient pour des mesures de restrictions qui s’appliquent à tous.

La montagne reste un espace touristique considéré comme respectueux de l’environnement, mais pas l’hiver

C’est ce qu’affirment les Français qui positionnent la montagne en première place des lieux de vacances sur ce critère à égalité avec la campagne.
Il en va différemment des sports d’hiver considérés par près de la moitié des clients comme peu respectueux de l’environnement et qui font dire à 14% d’entre eux que cela leur pose problème et qu’ils n’ont plus envie d’y venir. Ce chiffre devra être confirmé dans l’avenir mais, il me paraît devoir être pris très au sérieux.
À l’inverse, les Français ne considèrent pas les remontées mécaniques comme menaçantes pour l’environnement ; inutile donc d’axer trop d’efforts de communication dans ce sens.

Les périls

La conjonction de ces éléments fait peser des menaces à l’ensemble du secteur touristique de la montagne en l’attaquant par le flanc Hiver.
L’acceptation des Français pour des mesures contraignantes peut faire le jeu de mouvements activistes ou radicaux qui sont potentiellement en mesure d’imposer des contraintes sur l’activité des sports d’hiver et de créer les conditions d’un bashing ou d’une « honte » de cette activité.
La montée de la préoccupation environnementale chez nos concitoyens peut aussi conduire une petite partie d’entre eux à se priver de montagne l’hiver. Cela reste impactant pour un secteur qui peine à renouveler ses clientèles.

Les raisons d’espérer

Elles restent importantes. L’attachement à la montagne y compris l’hiver reste fort même lorsque l’on imagine un scénario catastrophe où le ski ne serait plus possible. Ils sont 56 % à affirmer qu’ils iront toujours en montagne pour pratiquer d’autres activités et 30 % à dire que la montagne l’hiver les fera toujours rêver.
L’analyse stratégique de cette cristallisation de la préoccupation environnementale conduit à recommander aux stations de consolider/poursuivre le développement de leur activité estivale par prudence et pour nourrir un contenu d’image plus montagne que sports d’hiver.
Pour l’hiver, la situation est plus complexe. Nos clients ne se feront pas prendre à un greenwashing opportuniste. Les destinations qui auront la capacité à faire valoir des résultats notables en la matière vont augmenter leur capital d’attachement et d’attrait.
L’une des clés sera de solliciter les clients dans la lutte contre les conséquences néfastes de leur propre consommation touristique. C’est le nouvel enjeu du tourisme. Il nécessite un re-engineering qui sera probablement à l’égal, en termes d’effort, à ce qui a été connu pour la révolution digitale du secteur.

Jean-Marc Devanne, CoManaging