Tourisme : Le casse-tête des immatriculations

Depuis plus de six ans et un changement des règles applicables en la matière, les banques accordent de plus en plus difficilement la garantie financière aux opérateurs de voyages et séjours

La crise sanitaire ayant accentué le problème, même des « petites » structures comme les hôtels sont touchées. En l’absence de garantie financière, elles ne peuvent pas être immatriculées auprès d’Atout France, condition sine qua none pour pouvoir proposer des séjours packagés couplés avec des prestataires extérieurs (par exemple hébergement + forfait de ski et/ou location de matériel). 

C’est le sénateur de Savoie Cédric Vial (Les Républicains), qui a soulevé le problème dans une question publiée dans le Journal Officiel du Sénat du 14 juillet 2022. « Depuis la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et le déplafonnement de la garantie financière, les petites structures touristiques ont été, de fait, assimilées à des tours operateurs, ce qui a engendré le retrait des banques et des partenaires financiers historiques de ces structures pour l’obtention de cette garantie », écrit-il dans cette question. « Tout cela manque d’étude au cas par cas », regrettait-il lorsque nous l’avons interrogé sur le sujet.

L’absence d’immatriculation empêche ainsi un hôtelier de proposer un séjour à plusieurs composantes (hébergement + activités ou prestations)… « puisqu’il n’a pas le droit d’encaisser la globalité du séjour et de redistribuer la somme due à chaque prestataire. Le client peut toujours réserver chaque prestation séparément, mais ça complique son parcours. Il y a aussi moins de garantie, puisqu’elle est alors diluée sur l’ensemble des prestataires », estime Cédric Vial. L’hôtelier non immatriculé a certes le droit de faire de la publicité pour d’autres prestataires d’activités, mais pas de commercialiser les prestations qu’il n’assure pas lui-même (une infraction punie d’un an de prison et 15 000 euros d’amende). 

Désavantage concurrentiel

Se pose alors le problème d’un « désavantage concurrentiel pour les hôteliers qui ont fait leur première demande d’immatriculation depuis le début de la crise sanitaire – et ne l’ont pas obtenue en raison du contexte compliqué – par rapport à ceux qui l’avaient déjà auparavant. Ils peuvent toujours renvoyer le client vers le site de prestataires d’activités, mais sans être certains qu’il reviendra sur leur propre site web ensuite », affirme le sénateur de Savoie. 

L’immatriculation touristique est accordée pour une durée de trois ans. « Le renouvellement est une simple formalité administrative. Comme la durée de la garantie financière est déconnectée de celle de l’immatriculation, il n’y a pas nécessairement de nouvelle étude de dossier pour obtenir son renouvellement au bout de trois ans », précise Guillaume Beurdeley, le responsable juridique des Entreprises du Voyage (le syndicat professionnel des opérateurs de voyage). 

La mise en place, depuis le 1er janvier 2022, d’un dispositif de réassurance globale du secteur des garants financiers (pour les garanties financières en vigueur ou délivrées entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2023) constitue néanmoins une lueur d’espoir. « Les opérateurs touristiques présentent aujourd’hui des chiffres d’affaire proches de ceux de 2019. Il y a des nouvelles immatriculations touristiques tous les mois », confirme Guillaume Beurdeley.

Des banques très frileuses
Si, en théorie, n’importe quelle banque peut accorder la garantie financière à une structure touristique, dans les faits ce « marché » se répartit entre seulement trois opérateurs. L’Association professionnelle de solidarité du tourisme délivre environ les trois quarts de ces garanties. « Elle avait arrêté de le faire en 2020 et 2021, à la demande de l’État. Groupama ne les accordait alors plus qu’au compte-gouttes. Atradius, le troisième acteur, renouvelle celles de ses clients historiques mais n’en donne plus aucune nouvelle », indique Guillaume Beurdeley, qui précise que la situation est revenue à la normale depuis environ un an.