Lovée derrière le Mont Blanc, la station des saisies s’est construite en douceur sur un plateau ouvert. Si le ski de fond cultive toujours sa notoriété, la station dispose de bien d’autres atouts que permettent la typologie de sa montagne et son organisation économique.
Bien loin des faces nord austères et des parois vertigineuses, les alpages des Saisies s’étendent en pentes douces, entre des bosquets de sapins et des chalets traditionnels. Ce paysage bucolique a probablement sauté aux yeux d’Edwin Eckl, quand, dans les années trente, il découvre le plateau. Le moniteur de ski autrichien, sous le charme, flaire immédiatement le potentiel touristique de ce « Tyrol français ». À l’époque, seuls quelques chalets d’alpage viennent pailleter cette montagne avec vue sur le mont Blanc. Il en rachète un, qu’il transforme en hôtel, et installe la première remontée en 1942. La station naît vraiment dans les années 1960 avec la création du SIVOM (Syndicat intercommunal à vocations multiples) et la construction d’une remontée jusqu’au sommet de Bisanne. Déjà, sa réputation de « grenier à neige » affleure : « L’année de l’ouverture, il y avait de la neige nulle part, sauf aux Saisies ! rappelle le maire, Xavier Desmarets. Beaucoup de monde est venu, le téléski a été amorti dès sa première année. C’était parti ». Le SIVOM, qui a racheté les terrains, les vend au compte-gouttes, en fonction du développement du domaine skiable, et la station prend forme, chalet après chalet. « Les élus ont limité les hauteurs et surveillé les permis : ils voulaient des chalets beaufortains, avec du bois, de la pierre ou du crépi, et des pans de toit dans le bon sens ! Aujourd’hui, nous sommes ouverts à des architectures modernes, mais restons vigilants. » Les Jeux olympiques d’Albertville marquent aussi leur empreinte sur la station, qui investit massivement sur son domaine nordique et dans de nouvelles infrastructures. Elle accueillera 16 épreuves de ski de fond et de biathlon et distribuera 48 médailles. Pourtant, les retombées ne sont pas au niveau : « Nous n’étions pas ville olympique, seulement site olympique. Les Saisies n’ont pas pu capitaliser sur l’image des Jeux, comme utiliser les anneaux olympiques ». L’ ardoise est, de plus, salée, et la station se retrouve lourdement endettée. Une décision salvatrice est alors prise, celle de créer une régie autonome pour les remontées mécaniques : « Le but est que l’argent généré par les remontées mécaniques, revienne aux remontées mécaniques », synthétise Michaël Tessard, directeur des domaines. Depuis 2019, la gestion de l’équipement est même structurée en société publique locale (SPL). « Nous avons des objectifs de rentabilité, ce qui nous oblige à prendre des décisions rapides. » Elle détient 30 % de la SAEM, qui, créée en 2012, recouvre l’office de tourisme et les équipements de loisirs du Signal. « Cette gouvernance atypique nous permet de travailler ensemble, élus et opérateurs, ce qui est plus simple pour valoriser un même produit », explique Olivier Reydellet, directeur de la SAEM. L’autre point fort des Saisies est sans conteste sa filière Beaufort, qui rassemble
24 producteurs sur le territoire. Elle permet aux Saisies de renforcer son authenticité, grâce aux bovins qui entretiennent ses paysages, mais pèse aussi très lourd dans l’économie locale : « C’est ici que le prix du lait se vend le plus cher, la coopérative réalise 19 millions de chiffre d’affaires. C’est la deuxième économie locale après nous… quand elle ne passe pas devant ».